Illusions et Tempêtes
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IV - Brisures en Terre Glacée, Diane & Carigän. (FINI)

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 IV - Brisures en Terre Glacée, Diane & Carigän. (FINI) Empty IV - Brisures en Terre Glacée, Diane & Carigän. (FINI)

Message par Diane Mansiac Jeu 21 Sep - 11:01

~ Diane ~

je crois qu elle va bouder son menteur

~ Carigän ~

J'espère bien !

~ Diane ~

elle n est pas du tout contente de lui!

~ Carigän ~

Comment dire ... Il s'en fout ?

~ Diane ~

elle ira trouver d autres bras pour se consoler! na!

~ Carigän ~

Il l'en prie

~ Diane ~

je suis sure qu il y a plein de serviteur mignon autour d eux! ><

~ Carigän ~

Evidemment, mais ils me sont trop dévoués

~ Diane ~

Peuh! Je parle pas de déloyauté envers toi! juste de plaisirs sans conséquences. genre ils vont passer l occasion!

~ Carigän ~

Ils n'oseraient pas, ils ont bien trop peur

~ Diane ~

Ils ont pas de raison d avoir peur, non mais. On est amant occasionnel! pas un couple! je couche avec qui je veux!

~ Carigän ~

Mais ils n'oseraient pas mettre un seul pied dans mes jeux, à leurs risques et périls
Chacun régne comme il l'entend, moi, c'est par la terreur !

~ Diane ~

... Dans tes Jeux?! Espèce de vampire de néanderthal. Je t'empeche pas de faire mumuse avec qui tu as envie, à ce que je sache

~ Carigän ~

Encore heureux, Petite Braise.

~ Diane ~

Alors j'attend la meme chose de ta part! Tes hommes ne te trahiraient pas en la chose

~ Carigän ~

Mais je fais ce que je veux, moi ! Je suis le souverain ! *Sourire dément*
Quant à mes hommes, laisse les à leurs places

~ Diane ~

Et si j'ai envie qu'ils prennent place entre mes cuisses? Antov, le petit manipulateur d'ombre, est carrement sexy dans son genre....

~ Carigän ~

Je t'en prie, va donc lui faire risette !

~ Diane ~

Sans qu'il n'y ait sanction sur lui ensuite'
?

~ Carigän ~

Serais-je aussi punitif ?
Non. Bien sûr que non.

~ Diane ~

Tu en es capable...
Ceci dit, si tu crains pour ton empire, je n'ai pas perdu l'esprit au point de vouloir devenir calif à la place du calif

~ Carigän ~

Que veulent dire ces paroles, précisemment ?

~ Diane ~

Tu viens de dire que tu regnais par la terreur... Et que tes hommes t'étaient dévoués. Je ne fais que pointer le fait que ton trone est sans dispute

~ Carigän ~

Exactement. Mes pions sont parfaitement à leurs places et les moindres incartades souffrent la peine capitale. J'aime le silence de cristal qu'engendre la discipline.
La mutinerie n'existe pas

~ Diane ~

... Tyran! Bref, mes actions n'auront aucune conséquences sur ton autorité.

~ Carigän ~

Tyran ? Oui. Et c'est comme ça que le monde tourne.
Mène donc tes actions à ton bon gré, j'ai la certitude que rien ne peut venir troubler mon règne. Rien. Rien. Rien. Et rien.

~ Diane ~

Et dis moi, je suis quel pion sur ton échiquier? Tu es bien sur de toi.... Mais pour l'heure, c'est le cas, en effet....

~ Carigän ~

Pourquoi révelerais-je mes pensées ? Pour quel gain ?

~ Diane ~

Mais pour que je puisse rester à ma place sans te contrarier, mon cher mentor

~ Carigän ~

Contrarie-moi, surprend moi donc ! Puisque cela te tiraille tant, cela plisse tes jolis yeux de Jade...

~ Diane ~

Ho non! Je ne te donnerais pas ce plaisir! Tu tires trop d'amusement de mes insolences!

~ Carigän ~

*Sourire à peine perceptible* Peut-être n'es-tu qu'un divertissement, alors.

~ Diane ~

Le regard de Diane se durcit aux paroles de Carigän. - Je suis là pour apprendre. A l instant ou tu cesses de m etre utile, je quitte la russie. Rien de plus.

~ Carigän ~

*L'observe comme s'il s'agissait d'un chaton exercant ses minuscules griffes.*

- Oh, oui, bien évidemment. Tes ambitions sont limpides comme de l'eau de source entre mes doigts. Comment pourrais-je en douter ? Tu n'aspire qu'à l'apprentissage. Rien que ça. J'en suis persuadé.

~ Diane ~

Ironie. Ironie. Ironie. Il n'est qu'ironie arrogante et glaciale. Diane garde son calme et sa composition.

- Et qu'est ce que je pourrais bien vouloir de plus, hum? Le délicieux plaisir de passer mes soirées en ta compagnie au coin du feu?

~ Carigän ~

Voyons, petite braise, loin de moi ces fabulations. Tu te tiens ici, assassinant enfant, flirtant avec la Bête, pour acquérir quelques techniques ayant trait à la magie. Pour quelques sortilèges. Pour quelques tours de passe-passe. Il faut savoir ce que l'on veut, et sache que j'admire ton grand esprit du sacrifice.

~ Diane ~

C'était Ta faute! Jamais je n'aurais agit de cette manière sans toi! C'est toi qui m'a balancé ce gosse dans les pattes, tu savais ce qui se passerait et tu t'en es rejouis!

-trois pas vers lui alors qu'il n est que moquerie, et elle le gifle, sechement-

Tu es bien plus monstrueux que je ne le serais jamais!

~ Carigän ~

*Usant de sa célérité, il retient sa main in extremis, lui tord froidement le poignet et presse une main contre sa gorge.*

Ne t'en prend J a m a i s à moi. *Sa voix est d'accent sibériens.* Tu avais faim. Mais tu ne t'es pas contenté de le tuer, comme l'aurait fait un animal. Non. Tu l'as déchiqueté. Quand bien même il était exsangue et inerte. Ne me l'incombe pas.

~ Diane ~

Elle cède volontairement, si les os de son poignet se ressouderaient sans mal, la fracture en serait cependant immensement douloureuse. Son ton ne l'inquiete pas, pas d'avantage que ses doigts sur son cou*

dear! je suis terrifiée par toi! Je me demande bien ce que tu pourrais faire de pire! -elle crache ses paroles suivantes- Je ne savais pas! Je ne pouvais rien retenir! Je n'ai pas choisi ce massacre!

~ Carigän ~

*Sa prise s'intensifie alors qu'elle profère des brimades.*

Diane Mansiac, j'aime beaucoup jouer en ta compagnie. Tu m'amuses. Tu es une flamme qui ballotte de bien étrange manière et il me plaît de te voir onduler dans l'obscurité. En revanche, manque moi encore une seule fois de respect, et compte sur moi pour trouver Pire. Le Pire est mon meilleur ami. Pour ne pas dire le seul. Le Pire ne cesse de me murmurer ces extravagances à l'oreille. Tu ne connais absolument rien du pire. Ce qu'il s'est passé, la dernière fois ? Ce n'était absolument rien. C'était la nuit que tu ne connaissais pas. La nuit criminelle qui tue les yeux bandés avec son sourire carnassier. La nuit prédatrice, la nuit animale, qui ne s'encombre pas de la belle morale que chante tes compagnons, les mortels de naguère. La voilà, la nuit ! Elle ne te plaît pas ? Tu l'imaginais plus affable, peut-être ? Oh, quel dommage. Bienvenue chez les animaux. Chez les prédateurs. Chez les ombres aveugles et sourdes.

~ Diane ~

Envie de lui labourer le visage de ses ongles. De lui donner des coups de pieds dans le tibia. enfantin, mais tellement efficace! -

Je ne suis pas une de tes marionnettes que tu peux faire danser selon la mélodie de ton choix! Je ne suis ni une Funéra que tu peux controler à loisir, ni l'un des membres de ta Maison. Je suis venue librement à toi. Pas l'un de tes jouets!

-Ses prunelles bleutées sont irisées d'une telle colère qu'elle tremble sous la poigne qui la maintient immobile-

Carigän! Tu crois que j'ignorais ce coté là de la nuit?! Certes, je ne l'avais pas vécu, mais contrairement à ce que tu penses, je connaissais son coté impitoyable! Quelle lecon tu as voulu m'apprendre? Que lorsque le Sang parle, je deviens Chose? Même pas. Ce n'etait pas une lecon. C etait une punition!

~ Carigän ~

*Il sent la colère qui écartèle tous les sens de la Rousse, demeurant froid et lapidaire.*

- Bien sûr, que c'était une punition, Idiote. Ce n'était pas gratuit. Pas gratuit. Absolument pas gratuit. Je n'ai jamais attenté à ta personne avant que tu ne t'en prennes à mon petit Frère. Oeil pour oeil, dent pour dent. C'est la loi de la jungle qui règne ici bas, si tu as soif d'humanité et d'idéal, Il ne fallait pas embrasser l'Ombre. *Silence* Un monstre, bien sûr que je suis un Monstre. Je suis un prédateur, je protège les miens et que le diable emporte le reste du monde dans son antichambre.

*Il la toise sans vergogne, et la relâche avec une brusquerie sauvage.*

Dégage. Vite. Hors de ma vue.

~ Diane ~

-Je n'ai jamais voulu plonger Veragän dans un tel gouffre! Jamais! Si j'avais eu la moindre idée de ce que j'allais provoquer chez lui, je ne l'aurais pas mordu!

-Elle plante ses yeux dans les siens. Furie.-

Entre ton frère et moi... il y a.. quelque chose! Indeffinissable, mais présent! Je crois que je préfère sa compagnie à la tienne! Meme lorsqu'il libère l'Enfer, Il n'agit jamais dans un esprit malfaisant ou malsain! Toi par contre.. .Toi, Carigän Funéra.... Tu es charismatique, sublime, une flamme qui attire et carbonise, mais tu es...

-Regard de mépris de la part de la rousse. Il la relache et elle fait deux en pas en arrière. -

Sinon quoi? Tu va te mettre en colère? Pauvre louveteau!

~ Carigän ~

*Elle a signé son arrêt de Mort. Les yeux noirs de Carigän se durcissent, deux obsidiennes aux nuances miroirs maléfiques. Il se moque pertinemment de ses justifications quant aux évènements précédents. Le grand Illusionniste n'aime pas les explications. Elles sont stériles, inutiles, ennuyantes, elles sont une invention des hommes qui escomptent à passer leur crime pour légitimité. Il ne prononce pas un mot, aucune lame ne parviendrait à glisser entre ses lèvres. Derrière lui se dresse la Meute Blanche. Démultipliée, babines retroussées, grondement venus des profondeurs de leurs entrailles assoiffées, leurs yeux blancs rivés sur la petite Flamme esseulée. Tous ses petits frères, qui vibre au diapason de sa tempête.*

- Tuez là. *Murmure t-il, d'une voix sans voix, un écho fantôme qui flotte dans la pièce pareil à une feuille morte.*

*Dans des hurlements bestiales, la Meute se rue sur la jeune fleur d'immortalité. Griffes et crocs en parade. Déchirant sa chair et faisant claque leurs mâchoires voraces sur sa peau laiteuse, sur ses os fragiles, petites branchettes recouvertes par le gel de l'hiver. Carigän observe le spectacle sans mot dire, avec une sybilline désinvolture.*

~ Diane ~

Elle observe la glace recouvrir le visage, les traits de son mentor, sans qu'elle ne regrette le plus bref instant, la moindre syllabe de sa diatribe. Diane a pensé chacun des mots qu'elle vient d'articuler et elle n'en retirera aucun. Elle ne le quitte pas des yeux alors que l'atmosphère de la pièce semble être aspirée par un vortex de néant.

-Tu veux savoir le plus pathétique? Tu m'aurais laissé 10ans et j'aurais été incapable de quitter tes cotés. Quoique tu fasses. Quoique tu dises, j'aurais été là, loyale et aveugle.

Diane pose un genou à terre, une lame dans chaque main. Son propre loup s'inflitre en elle à mesure que la meute résonne. Un rire discordant

-Tu ne peux pas me tuer toi meme que tu utilises tes animaux? Lache!

Elle ne se laissera pas dévorer sans combattre. Jamais. Ses lames tranchent deux ventres fantomatiques quand la meute fond sur elle avant qu'elle se redresse d un bond pour s'envoler derriere eux, coupant dans les jarrets, sveltesse qui n'est pas la sienne. Son idée est évidente. La horde est trop nombreuse. Puisqu'ils en sont là, c'est le Prince qu'elle doit abatre.

~ Carigän ~

*L'Illusionniste ne s'encombre plus de faux paraître et laisse sa véritable nature agir, débridée. Ses propos n'atteignent pas sa conscience mouvante d'animal. Pathétique ? Animaux ? Lâcheté ? Ce ne sont que des mots, des paroles, de l'éther dans les siècles qui s'égrainent. Les discours n'ont toujours été qu'un moyen de tromper son ennui. Les valeurs des hommes ne sont pas siennes.

Qu'est ce que la lâcheté ? Le dégoût des perdants. Comme si les chasseurs se soucaient d'une égalité dans le feu du carnage. Tellement ridicule. Et pathétique. Qu'est ce qu'être pathétique ? Ce mot ne trouve aucun écho dans le gouffre sans fond de son esprit. Immobile, il observe ses frères, extensions de lui-même, agir sous l'égide d'une même conscience.

Ils couinent alors qu'elle les éventre au hasard de sa risposte, mais tel l'hydre, leurs effectifs redoublent dès qu'elle sabre l'un d'entre eux. Carigän suit le spectacle d'un oeil précis exempt de toute émotion. Même la colère s'en est allée, laissant vierge territoire à son versant le plus instinctif, sauvage.

Il voit. Le Danger qui émane de Diane dont la puissance commence à sourde. S'il avait été plus conscient, peut-être se serait-il dit qu'elle aurait fait une merveilleuse élève, mais rien ne subsiste en cet instant. Le vieil Illusionniste se dédouble, se multiplie, son image se fait une onde brumeuse et chaque particule d'air miroite de sa présence.*

~ Diane ~

C'est avec une certaine fatalité qu'elle constate que ses lames ne font que multiplier le nombre de ses opposants canins. Qu'il en soit ainsi. Elle change immediatement de façon de se battre. Diane ne peut plus se permettre de les trancher. Il faut les blesser. Les ralentir. La Fille de la Nuit s'adapte et brise les membres plutot qu'elle les tranche.

Sans pouvoir se prémunir de morsures sauvages et douloureuses. Sa colère l'a déserte, lui offrant un esprit clair et concentré. Elle est completement infusé dans cette danse mortelle. la Néo-nate a conscience qu'il s'agit d'une victoire qui ne sera jamais sienne. Pas contre Carigän. Mais elle ne déposera pas les armes. Elle n'a pas le désir de sa Mort Ultime mais ne la fuiera pas, l'affrontera.

Fierté, orgueil qui sont les siens et ses armures. Le Prince n'a plus de corps physique. Une présence de nuage. Un sourire carnassier sur les lèvres de l'Enfant. Quelques secondes. Elle virevolte et se projette sur le haut d'une armoire. Quelques secondes. Elle prononce des mots dans une langue qu'elle ignore. Elle a étudié ce sortilège, longuement. Craignant ses effets. Et sachant que seule, elle n'y parviendrait pas. Cette nuit, c'est son champ du Cygne. Elle ne retient rien. L'air dans la pièce se fige. Brume de cristal. Brume de Glace. Immobilisant toutes les particule dans une suspension gelée.

~ Carigän ~

*Quelque part dans la réalité, Carigän lève la tête, sentant l'air se figer, sentant le maléfice grignoter les épidermes de son corps pendant que ses illusions dévastent. Quelques runes slaves franchissent ses lèvres alors qu'une brume violacée l'avale et l'emporte loin des cristaux glacés. Il s'est volatilisé, purement et simplement, pourtant son odeur flotte encore dans la pièce.

Les sortilèges n'ont pas d'emprise sur les illusions qui se déploient autour d'elle. Elles sont dans son crâne avant tout, et n'aspirent qu'à lui vampiriser de son énergie vitale jusqu'à ce qu'elle gise inerte à terre. Si Carigän connait bien l'univers des sorts et maléfices, il ne compte pas user de cruauté en mettant à l'épreuve ses sept siècles d'expérience.

Ce serait là un combat de guerriers danseuses. Non. Que ne demeurent que la faune enragée et les pulsions vibrant comme les cordes d'un instrument diabolique. Il ne joue pas. Il ne lui laissera aucune chance de s'en tirer. Pas après les brimades qu'elle lui a jeté en pâture. Pas après une telle impertinence. Peut-être ne mérite t-elle même pas qu'il lui inflige la Mort Fatidique, et peut-être serait-il plus avisé de la jette au milieu de la toundra, livrée à elle-même, afin qu'elle aprenne esseulée que la Nature ne pardonne pas. Qu'on ne brime pas les éléments, qu'on ne se justifie pas auprès de la Nuit Cruelle. Il hésite. Qu'il l'égorge ou que sa grande soeur la Nocturne s'occupe de violenter les petits caprices de cet enfant difficile, la bataille se finira de la meme manière. Rapidement. La flamme sera mouchée en un laps de temps et le vent emportera sa poussière loin du fief des animaux.*

~ Diane ~

Elle ne peut pas rester sur son perchoir bien longtemps. Diane n'arrive plus à savoir si Carigän est toujours présent ou non. Déjà les fils du sort se défont. Elle n'a pas la puissance pour le maintenir plus de quelques secondes. Pas si elle ne désire pas se retrouver totalement épuisée, proie facile. Dans quelques siècles, elle aurait été capable de lui offrir des heures de vie, pas à son age.

L'air est vibrant, humide et elle commence à perdre ses repères. Ses sens sont tirraillés par toutes les sugestions qui leur parviennent. Elle saute au sol, souplesse d'équilibriste. Les loups sont sur elle presque dans la seconde et la Flamme se rejette en arrière juste à temps pour éviter que les fourrures fantomatiques ne la recouvrent. Un murmure.

-Pas de taille.

Amertume douce amère. Le reconnaitre à haute voix donne une autre vibration à l'harmonie du champ de bataille. Elle ne peut pas se permettre de ressentir. De laisser ses émotions la submerger. Mais elle n'a jamais été capable de les contenir. Les loups se moquent de ses états d'âmes. Prédateurs sans conscience. Elle cesse. Diane pose un genoux à terre, les yeux clos. Essayant de distinguer le réel de l'illusion. De trouver la Vérité du moment. Les bras le long du corps, elle est Attente.

~ Carigän ~

*Attente. Une heure s'écoule, ou peut-être est-ce une seconde ? Quoiqu'il en soit, le temps s'étire, fauve parresseux et délié. Chaque fragment de seconde, chaque éclat qui vole crible Diane de meurtrissures. Les Loups Blancs ne lui laissent aucun répis. Continuent de la déchirer comme si sa peau était papier glacé. Continuent de lacérer son visage comme si son masque ensanglanté n'était jamais assez parfait au goût de l'enfant sauvage devenu Roi des Glaces. Leurs griffes fouillent, labourent, leurs crocs ne se lassent pas de claquer, de briser et de broyer. Lorsque Carigän revient, le silence a retrouvé son règne tyrannique. Diane gît à terre au milieu des légendaires aux fourures de brumes cotonneuses.

Raide comme l'inexorable temps qui fait chemin, sourd aux supplices de ses esclaves, il s'approche d'elle, la caressant d'un regard polaire. Ses frères, immobiles, ont l'air de guerriers barbares recueillis alors qu'il s'agenouille pour l'attraper une fois de plus par la gorge. Petite flamme mourante aux milieux du nord, éteinte sous le givre.

Il l'attire à lui, ses ongles perforant sa nuque avec profondeur, tétanisant la moindre tentative qui pourrait d'aventures lui carresser l'esprit. Ses paupières se clôturent lentement, disparaissant dans ses cernes profondes, soulignés par le temps au feutre noir. Il incline lentement la tête, et une vague de cheveux sombre éclipse son visage alors que tout le paysage de la chambre se dilue.

Les murs, les rideaux, les meubles, tout part en lambeau dans une distorsion spaciale. Un instant, le néant paraît, puis il blanchit, se voit foudroyé par un éclair blanc. Autour d'eux, bientôt, de vastes nappes à la neige immaculée, ponctuée de quelques sapins chétifs et noirs, recourbés sur eux comme des esclaves accouardis.

Le vent miaule, âpre et impartial, offrant son lugubre requiem à cet enfer blanc qui s'étale sur des miliers de lieux à la ronde, sur l'infinie. Carigän rejette Diane dans la neige, sans se fendre d'un seul sourire. Ses loups sont auprès de lui et leurs pelages les fondent aux glaces maîtresses. L'homme s'assit sur une congère, contemple le temps d'une seconde le théâtre d'une braise voué à disparaître sous des monticules de neige. La Toundra. La Toundra Reine et Despotique. La Tourna impitoyable et si douce quand elle infiltre la mort comme une promesse de salut. L'un de ses loups pose sa large gueule sur son giron. Ses yeux rivés sur la jeune Femme, il caresse tranquillement son puissant crâne.*

- Tu mourras. Pour tes caprices, pour tes enfantillages, pour tes minauderies. Tu es une enfant gâtée, aveugle, qui se croit tout permis car elle a hérité d'une paire de crocs et de quelques capacités. Tu l'as dit toi-même, tu es venue à moi dans l'attente d'apprendre, de grandir, de magnifier ton éternité, et que se passe t-il ?

- Tu pénètres ma demeure, tu t'en prends à ma famille, tu grimaces des sentences. Des sentences qui ne sont pas du bon goût de ton petit caractère. Parce qu'en plus il faudrait évoluer à ton rythme. Gager d'indulgence face à tes petites boutades. Pardonner tes excès de gamine Idiote. Eh bien non. Je ne veux pas d'enfant gâté dans ma nuit.

- Si la Nature t'offre une seconde chance, si tu te montres assez coriace et que tu parviens à survivre au Désert Blanc, alors trouve-toi une imbécile qui accepte de t'apprendre la Mort en te dorlottant. Et surtout, reste bien dans ses jupes en dentelles, et vénère la Chance qui te tient loin de la route des prédateurs. Ne reviens JAMAIS, vers moi.

~ Diane ~

La meute n'a aucune réflexion, aucun temps mort. La jeune cainite ne peut ni ne veux leur opposer de resistance. Lasse de sa propre futilité. Lasse de ses propres provocations. Lasse de ses erreurs. Les crocs qui la déchirent sont sauvage, sans pitié. Elle ne hurle pas. Pas un son de révolte ne franchit ses lèvres closes.

Elle s'abîme dans la souffrance de ces loups fantomatiques, si semblables aux spectres de Veragän. Est ce qu'elle saigne ou bien est ce que les plaies qui s'ouvrent ne sont que dans son esprit? Elle ne parvient plus à le savoir. Est ce que cela a de l'importance? Ils la dévorent et Diane s'affaissent entre eux, ses pensées dans un tourbillon inconscient.

Elle se perd contre la glace d'une fourrure. Elle croyait que le froid ne pouvait plus la toucher, découvrent une nouvelle faiblesse de sa jeunesse. Elle y est plus insensible, mais son corps se souvient encore. Sa joue contre un ventre rapeux. Obscurité dans laquelle elle se repose, sans prendre en compte ses dangers.

Elle perçoit la présence du Loup Impérial. Son aura hivernal baigne la pièce et la jeune femme. Elle ouvre les yeux un instant. Les referme. Si il doit l'achever, qu'il le fasse maintenant. Sa main autour de sa gorge qui déplace le poids de son corps vers lui. Les bras de Diane enlace son cou, sa tête roule contre son épaule avant qu'il ne la prive de mouvement.

Par rapport à ses Bêtes, il est brulant. Brulant d'une eternité de furie et colère qu'elle a une seconde fois provoquée. Elle se blottit contre lui, instinctivement. Avant que le monde ne se transforme, ne pivote et s'emballe. Pas un cri, pas une parole. Il sait ce qu'il fait, elle n'en doute pas.

Le froid gagne une nouvelle intensité, une nouvelle beauté et elle frissonne sechement contre le buste de Carigän avant qu'il ne la rejete dans cet enfer pur. Elle ne peut pas rester assise. Sinon, elle ne tardera pas à devenir un instant de ce univers. Une fraction de paysage. Elle se redresse et s'absorbe dans la contemplation de la Toundra.

Tout. Tout sauf Carigän dont le poids du regard est une ancre qui la noie. Elle ne veux plus l'affronter. sa silhouette se recouvre de neige et Diane écarte les flocons de neige de son regard. La Flamme de ses cheveux s'éteind doucement sous le linceaul à la beauté fatal.

Quand Il se met à parler, Elle se place face à lui et cette fois le regarde. Elle ne lui fera pas l'affront d'ignorer ses mots. Son jugement. C'est une sentence. Et malgré toute son insolence enfantine, Diane ne peut lui trouver tord. Son comportement a été abusif. Négligé.

Ses manières impulsives et ses paroles sans soin ont été insultes pour le cainite. Elle lui a promis d'apprendre et lorsque ses apprentissages n ont pas été à son gout, elle a préféré ouvrir les vannes de sa frustration. Elle ne lui coupera pas la parole. Elle est dans une posture assez difficile comme cela. Diane cherche ses prunelles et s'avance vers lui.

-Vous m'avez appellé Diane Mansiac... Cette femme là n'existe plus. Il ne reste plus que Diane. Et encore. Je ne sais plus que je suis. Je sais seulement que je veux devenir. Mais à vos cotés. Je ne désire pas d'un autre Mentor que vous.

Elle pose une paume sur son épaule, sa voix est de la meme douceur que la neige qui les entoure. Elle plaide. Elle plaide sa cause sans savoir à quel point Carigän se comporte une fois qu'il a arrêté d'une décision.

-Si c'est ma Mort Ultime que vous désirez, je vous l'offre. Sur le champ. Sans caprices, sans enfantillage, sans minauderies. Ne vous trompez pas. Je n'ai pas de tendances pour les grands gestes.
Simplement, si vous ne revenez pas sur votre position, que ce soit un an ou un siecle, je finirais poussière.

C'est pour elle une certitude. Elle est bien trop feu follet pour se sublimer avec un Fils de la Nuit qui ne saurait pas la tenir et lui inspirer folies. L'idée de s'éloigner maintenant de celui qu'elle a choisit lui est insupportable. Elle n'a rien oublié de leurs disputes. Mais elles sont secondaires à la perspective de le perdre comme Guide.

-Si vous ne supportez plus l'idée que je reste à vos cotés, je ne vous combattrais pas. Vous et moi savons que je ne suis pas de taille.

Elle comble encore un peu l'espace entre eux. L'autre main devant la gueule du loup, si il lui arrache son poignet, qu'il en soit ainsi.

-Vous ne voulez peut être plus de moi... Je sais que je ne veux plus que vous.

~ Carigän ~

Le blizzard souffle ses lugubres psalmodies, qui sonnent si douces aux oreilles du Prédateur. Il aime, le silence de l'immensité, la perdition qui émane, et ce blanc monarchique qui n'a jamais gracié âme qui vive. Après tant d'effusion, ses loups ne sont plus que quiétudes, beautés blanches et dangereuses, tout droit sorties de ces légendes dont nul ne connaît la fin précise.

Immobile, Carigän ne lève même pas les yeux alors que Diane approche, fragile sur ses longues jambes. Il continue d'affubler son loup de quelque caresse distraite, envahi par une sérénité étrange. Une sérénité jumelle à celle qui emplit la Toundra, caressante et sans merci. Une sérénité enfantée par la fatigue, peut-être. Une sérénité qui n'a rien à envier à la froideur de la pierre.

Retour aux sources. Ses pulsions de bête féroce se sont évaporées, emportées par une rafale glacée. Sans esquisser un mouvement, il laisse sa mère la neige perler ses cheveux et son père le grand froid transir sa peau. Diane est proche. Et Carigän est comme ses loups, silencieux, complètement relié au monde qui l'entoure. Le calme après la tempête.

Elle approche, et il ne la rejette pas.Bien que l'idée se promène dans sa tête. Il ne redresse pas non plus et demeure assis. La flamme devenue blanche le surplombe complètement, mais il ne souffre pas de sa posture. Non. Les conventions et les hauteurs sociales sont des paramètres qui lui échappent complètement. Plus encore en ces temps coléreux où tout son être tend à se rapprocher de l'animal.

Il l'entend, qui prend la parole, delestée de sa gloriole de néonate. Des mots sensés. Qui jurent tant avec son discours de la seconde précédente qu'on croirait une autre personne se tenant devant lui. Plus sage. Plus consciente du monde qui s'étend autour d'elle. Cimetière géant au sourire facile dont la seule diplomatie est celle du poignard.

Elle s'explique, se justifie, encore. Et Carigän lève son visage vers elle, sévère, austère, sans cacher les sentiments qui peuvent l'habiter. Elle l'a blessé. Bien plus qu'elle ne peut l'imaginer. Ses deux billes de nuit cendre se veulent opaques, dépourvues de la lueur rouée qui y siège d'habitude. Il y a un temps pour jouer, pour se distraire, pour faire claquer sa langue de souverain dément, et un autre. Un spectre de sourire étire ses lèvres.

- Encore un caprice ? *articule t-il séchement, comme un comédien récitant son texte à contre coeur.*

- Si c'est ta Fin que je voulais, sache que je l'aurais prise sans te demander la permission. Si tu es ici, c'est parce que l'idée n'était pas à mon goût. Une chance ? Je t'en ai donné, déjà. Deux. Et deux fois tu as piaffé en soupirant toutes les doléances du monde. Que crois-tu ? Diane, Flamme, Fauve, Enfant, Poupon, Poupée Perle arrogante ?

- Crois-tu que je vais une fois de plus faire table-rase, reprendre nos petits jeux là où nous les avons laissés ? Non. Un non absolu. Un non évident. Qui fait de ta requête une chose ridicule.

* Non, Carigän est intransigeant. Cette question est doublement résolue : Il l'abandonne et la met à mort. D'autres interrogations le tiraillent davantage.

A savoir pourquoi lui a t-il donné l'opportunité de s'élever alors que son gain était si moindre. Et quand est-ce qu'il l'a laissé prendre tant de place dans ses jeux. Sans doute cette passion effervescente qu'elle transpirait à l'heure de leurs ébats. Et le plaisir qu'il pouvait prendre à laisser courir ses mains sur ce corps qu'il n'aurait pour rien au monde dompter.

Oui. Ce devait être ça, et rien d'autre. Carigän se lève enfin, repoussant d'une main muette la gueule de l'animal. A présent, c'est lui qui la toise, et tous ses instants de doute disparaissent. Il est souverain. Rien n'a le droit de se mettre en travers de son chemin. De quoi aurait l'air un Roi à se plier aux caprices d'une petite fille ? Ses sujets le démériteront. Son règne par la terreur ne peut en souffrir, non. Un non absolu. C'est ça.*

- Tes mots ne sont jamais que des mots. Les mêmes que tu m'as servie la nuit dernière. Te souviens-tu ? Tu disais comprendre ma colère. Jolie farce. Joli conte. Joli boniment. Les mots ne sont d'ailleurs que ça, toujours ça. Ce serait là un comble qu'un Illusionniste se fasse des illusions.

Qu'un Illusionniste se fie à des discours. Qu'un illusionniste se fie à ses propres discours. On dit ce qu'on veut et on entend jamais ce qu'on veut entendre. Le Toundra, elle, t'épargnera tout cet univers de mensonge. Elle te testera, et elle te tuera.

- Elle tuera la petite fille écervelée qui gît en toi, et qui est partie se cacher au fond de ton ventre. Geignant après sa mère. Parce qu'elle a fait des bêtises, rien que des bêtises, et parce que le vent a tourné.

*Il la toise une fois encore, comblant les derniers centimètres en cueillant de deux doigts son menton.*

Oui, c'est une condamnation à mort.

~ Diane ~

Elle s'exprime. Elle parle. Le plus sobrement possible. Avec le plus de sincérité possible. Les grands miroirs sombres de Carigän qui ne refletent rien de son ciel. Il est sombre, régal. Sa posture ne se modifie pas. Est ce qu'il l'écoute, ou bien est ce que ses pensées sont envolées avec le vent, n'écoutant que l'appel Sibérien?

Il est d'un moment glacé. Sa nuque qui s'incline vers elle, sans mensonge. Et avant même qu'il ne s'exprime, elle devine dans son regard la déception qu'elle lui a infligé par ses errances. Par ses éclats. Il n'y a plus trace pour sa malice ou ses jeux de dupes. Non. Carigän siège au coeur de son royaume.

Il reprend la parole et la main de la Flamme sur son épaule se fige. Oiseau dont le coeur s'arrête de battre. Il ne veut pas sa Mort Ultime. Pas de sa lame. En est elle devenu Indigne à ce point? Il acheve et la décision tombe. Couperêt des mois qu'ils ont passé côte à côte. Diane est figée.

Elle ne le suppliera pas. Non pas à cause de sa fierté, mais parce qu'elle comprend enfin que rien de qu'elle pourra dire aura le pouvoir de modifier quoique ce soit. Il ne prendra son Eternité débutante, mais il s'en lave les mains. Les jambes de la sylphide ne s'affaissent pas. Il n'y aura pas de drame qui ne se soit déjà joué.

Il se redresse et il surplombe si aisement. Diane n'esquisse pas un mouvement de recul. Seule sa main quitte la gueule du loup, délogeant une grappe de neige de ses méches cuivres. Il n'accorde aucun crédit à ses paroles, comment lui en faire porter le blâme quand ses discours sont incohérences?

Assassiner la part enfantine de son être. Grandir dans le sang. Abandonner l'insouciance dont elle fait preuve si souvent. Diane n'est pas certaine qu'elle pourra y survivre sans perdre ses esprits. Les étendues blanches sont un monde inconnu d'elle. Mortelle, elle s'effondrerait en quelques heures.

Cainite, c'est une autre forme de sentence, non moins brutale. Non moins douloureuse. Diane a besoin de cette part un peu folle et sans attache qui réside en elle. Sans cette petite fille, elle sait qu'elle deviendra impitoyable. Cruelle. Inhumaine. Elle ne recule pas lorsqu'il relève son visage vers lui. Et l'assassine de la seule vérité qui lui restait. Du seul diamant tranchant qu'elle tentait de conserver loin de ses regards de granit.

-J'ai perdu Sigvald... Je ne peux pas te perdre aussi. Je m'étais promise de ne jamais permettre à un autre vampire de prendre place en moi. Je n'avais pas prévu toi.

Diane n'a jamais été moins joueuse. Moins fantasque. Sur ses joues, des perles carmines se cristallisent dès qu'elles quittent ses prunelles, elle n'en a pas conscience. En voulant se préserver du charisme souverain de Carigän, c'est elle qu'elle a égaré. Elle se hisse sur la pointe des pieds. Déposant un baiser sur les lèvres du Prince des Illusions.

Cherchant une dernière fois la chaleur folle de ses lèvres. Juste un peu. Elle enlace la taille de Carigän. Sentir la souplesse de son corps sous ses paumes.

~ Carigän ~

Les harpies de l'hiver hurlent dans le lointain alors qu'il se font faces. Le couperet est tombé. Sentence irrévocable et sans appel. Entre eux, les tensions ont éclatés, ne restent plus que les flocons qui tombent lourdement, dans un silence religieux. Oui, elle mourra peut-être. Sans doute. Il sait le poids de sa décision et ne changera pas d'avis.

Il est homme de nuance, de stratégie, il est enfant de la tromperie et de l'imprévisible, mais il n'est là avant tout que sa comédie préférée. Celle qui désarçonne l'adversaire et lui permet de glisser dans les fêlures de ses ennemis comme un poison. Derrière le rideau, sang-froid, cruauté et indifférence l'accompagnent sur le chemin du trône. Depuis jadis. Pour toujours.

Il l'observe. En se disant qu'il aurait aimé l'avoir à ses cotés. Encore un tout petit peu. Juste le temps d'une nuit qu'ils auraient passé prêts de l'âtre, leurs corps baignés entre les lumières chaudes des flammes et les ombres d'encre de la nuit. Explorer une dernière fois ce monde sensoriel qui confinait à une étrange transe. Peut-être est ce à partir de là, qu'il lui a donné trop de pouvoir.

Carigän ne laisse rien paraître de ses remous intérieurs. Il sait sa décision la meilleure, n'en doute absoluement pas, n'a jamais douté. A l'assassiner à la lame de son sabre, elle mourrait idiote et désemparée comme l'enfant qui ne voulait pas comprendre.

La torturer, la mettre au supplice et lui arracher son éternité par petits morceaux ? Non. Il ne sait pas torturer froidement, en suivant les directives d'une vengeance frigide, ses instincts lui réclament toujours plaisir et délectation. Carigän ne s'aventurera pas plus loin sur ce versant escarpé, connaissant son goût pour le danger. Préférant prendre le mal à la racine.

Pour s'être attirée de ses foudres, le jeu n'en était déjà plus un depuis longtemps. L'homme-loup se dit qu'il ne fait que rectifier le tir, qu'une nouvelle chance aurait été absurde, insensée, inconséquente. Qu'elle n'est qu'une Néonate. Qu'il s'en fout. Qu'il battera des paupières et passera à autre chose, recouvrant son sourire renard et ses roueries politiques. Qu'il s'est bien diverti. Oui.

- Tu m'as déjà perdu, *déclare t-il, effroyable par sa placidité, perdant de son avidité pour les longs discours.* Alors oublie-moi. Je ne viendrais pas te chercher lorsque la Poussière te guettera. Je ne reviens jamais sur mes décisions, et encore moins sur mes pas. C'est comme ça. La plaisanterie n'a pas sa place dans notre univers, même si on aime à le penser ...

*Il récite. Il récite ce qu'il se repète toujours avant de renaître, à la lisière de chaque nuit, de chaque sursit qui lui ait accordé. Quelques perles vermeilles se dérobent des persiennes qui bordent les yeux de Diane. Elle lui vole un baiser. Et il la retient, plantant sa main dans sa nuque fébrile, pour lui arracher une dernière fois quelques flammes à son incendie.

Sa haine est partie dans sa décision. Tout est déjà passé, presque oublié. Sa main glisse, sur la rondeur de ses hanches, dans la dépression de ses reins qu'il connait par coeur. Puis, il se décroche d'elle, comme un amant qui fuit les regards d'autrui. La meute blanche vient gonfler l'espace qui s'est instauré entre eux, et Carigän disparaît parmi ses compagnons sauvages.

Aucun mot n'accompagne son départ. Non. Il n'est qu'un Loup parmi les Loups. Il n'est qu'un sourire étrange perdu dans la brume. Il n'est que le convoyeur de la Mort.*

~ Diane ~

Les paroles de Carigän la foudroie sur place. Figée. Piégée. Il est d'une absolu platitude. Là où son discours s'envole parfois dans les ondes de la passion ou la colère, là... Il n'y a plus rien. Une indifférence à la hauteur des flocons qui les ensevelissent lentements. Diane ne pensait pas le faire changer d'opinion par la faille qu'elle a révelé en elle.

Non. Elle n'est plus si naïve. Mais cette négation complète? Ce ton insensible et détaché? Il ne pouvait agir de manière plus efficace pour s'assurer qu'elle n'oserait plus s'aventurer en sa présence. On aurait un automate répétant une leçon apprise et recrachée fidèlement. Sans qu'elle ne puisse ressentir sa présence à lui derrière ces mots.

Il ne se dérobe pas à ses lèvres. Ultime clémence que son amant lui accorde. La maintient contre lui quelques trop courtes secondes contre lui. Diane s'abandonne à son baiser. Fauve. Ses paumes lissent encore quelques secondes le vallon de ses flancs, de ses hanches. Avant qu'il ne la rende au néant.

Les loups s'emparent de sa vision, et lorsque les loups disparaissent, l'imensité blanche est sa seule compagne. Elle ne sait pas où elle est. Ne sait pas se diriger dans un tel environnement. La nuit qui s'étoile devant la Flamme a une saveur de cendre. Froid. Tellement froid. Un froid qui ne dois rien à une sensation purement physique.

Elle a pu errer dans le monde des vivants depuis plus de trois ans, mais faire à nouveau face à ce vide sauvage est presque au dessus de ses forces. Il lui faut un abri avant le lever de l'Aurore. En restant immobile, elle est proie trop facile à cet environnement sans pitié. Elle ignore par où diriger ses pas. Etoile sans lune.
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 IV - Brisures en Terre Glacée, Diane & Carigän. (FINI) Empty Re: IV - Brisures en Terre Glacée, Diane & Carigän. (FINI)

Message par Diane Mansiac Jeu 21 Sep - 11:01

Du coté des Illusionnistes.



La neige glaciale et le vent mordant sont partis. Ici, l'air est trouble, lourd de vapeurs aux parfums de forêt vierge et de montagne infranchissable. Autour de lui, les volutes blanches s'entrelacent les unes dans les autres pareilles à de langoureuses hélices de brume.

La pièce est vaste, immense. Peuplée de bassins aux formes adoucies et de fontaines découpée avec une grâce révérencieuse des rocs millénaires. L'atmopshère est tiède et sirupeuse. Quelques luminaires épars, incrustés dans les dallettes de pierre occitane accueillent les pas du maître de céans. L'eau, dont les remous demeurent silencieux, luit d'un bleu doucement turquoise qui tranche délicieusement avec l'obscurité alentour. Comme un monde flottant, un monde capiteux.

Les thermes s'étalent sur plusieurs centaines de mètres carrés, dont le pan nord se dresse en un imposant mur de pierres apparentes tandis que le pan sud se décline en un infini vitrage. Au delà, le paysage d'une nature torturée s'allonge, plongée dans un bain de lune sanguinaire.

Qu'il aime à se détendre en ces lieux privés. D'aucun rapporte que la vasteté de ces thermes, petit caprice du maître, est fort demesurée pour l'usage d'une seule personne. Mais Carigän a besoin d'espace. Ses pensées sont si nombreuses lorsqu'elles s'extirpent et se demêlent autour de lui, pareils à ces noeuds de vapeurs qui se déroulent patiemment. Une vapeur qui alourdit l'univers hurleur de ses sens, qui anesthésie les indubitables manies de son esprit.

L'eau chaude apprivoise ses muscles bandés, les déraidit progressivement. Accoudé sur les margelles du bassin, la tête basculée en arrière, les paupières closes, le grand Illusionniste surnage dans cette ambiance minérale et aquatique. Il déguste le temps qui passe. La Toundra est partie, pourtant, il semble avoir rammené avec lui quelques cristaux de glace.

Cette nuit, peut-être la suivante, la petite braise mourra étouffé dans les bras du grand froid. Pensée qui dessine à ses lèvres un spectre de sourire. Une bonne chose de faite, bien que sa peau de sucre pourrait lui manquer. Carigän soupire. Dans quelques jours, il aura fait litière de cette passade.

" A quoi penses-tu, mon Roi ? " Dit-elle.

Une voix suave, glissante et pleine d'une malice dormante. Allongée contre lui, elle laisse courir ses doigts de courtisane le long du torse de l'Illusionniste, flattant sa peau, lui distillant quelques caresses distraites.
Parfois, elle s'amuse de l'eau chaude et en fait couler des perles le long de son épaule. Parfois, ses mains disparaissent sous l'eau, partant explorer d'autres étendues. Sa longue chevelure d'ébène que l'eau a plaqué en capeline contre son dos et ses épaules menues se perd à la surface de l'eau en tentacules d'ombre. Les persiennes de ses cils s'ouvrent sur deux perles grises alors qu'elle poursuit.

" Carigän ? "

Sans esquisser un mouvement, Carigän ouvre les yeux, la nuque toujours basculée en arrière. Les flots remuants des eaux projettent sur les plafonds de mouvants entrelacs de lumière.

" Oui ? Dit-il d'une voix absente.
_Tu l'as tuée, alors ? Rétorque t-elle, patiente.
_ Qui donc ?

_ La nouvelle née ... La rousse ... Cette pauvre fleur fragile, ce colifichet que tu as reccueilli un temps. Elle s'interrompt, dessinant des arabesques prononcées sur sa poitrine : Sauf ton respect, mon Roi, murmure t-elle à tâtons, si nous mettions un point d'honneur à ne pas la regarder, à l'éviter et ce dans l'optique de ne pas contrarier tes jeux, quelques se sont posées, quelques rumeurs se sont répandues comme une traînée de poudre ...

_ Des rumeurs. Des rumeurs ... Distraie-moi donc, Syhia. Quelles sont-elles, ces rumeurs ? Lâche t-il dans le même temps qu'un sourire mutin.

_ Eh bien, elle n'est pas des nôtres, nous l'avons senti. L'Illusion ne sommeille pas en elle, la brume ne se lève pas sur son passage. Que faisait-elle ici ? Murmure la beauté d'orient.

_Ces rumeurs. Quelles sont-elles ? Répète t-il sans ambages, d'une voix égale qui ne saurait souffrir une quelconque éclipse.

_ Je ne veux pas t'offusquer.

Syhia comprend qu'elle s'est aventurée trop loin, sur un versant escarpé, et qu'elle aura du mal à rebrousser chemin sans dommage. La vampiresse se mord la lèvre inférieure, se fondant plus profondément dans l'eau brûlante. Mais aucune dérobade n'est tolérée. Carigän l'attrape par les cheveux, l'attire brusquement à lui, la charmeuse se retrouvant jambes écartées sur son giron. Tirant sur sa sombre crinière, il la force à tordre la nuque en arrière.

_ Tu as raison, Syhia. Il est plus avisé de fermer cette petite bouche que tu as si rouge, murmure t-il avec douceur. Mes affaires ne regardent que moi, et s'il plaît à la cantonade de croire que le maître papillonne en compagnie d'une enfant et de façon aussi ostentatoire, grand bien leur fasse. Ils sont libres de rejoindre les anges si mes manières leur deviennent insupportables, n'est-ce pas ? Du reste, et il tire plus encore sur sa prise, à deux doigts de lui briser les cervicales, je baise qui je veux. Toi comme une autre.

Et puis il la relâche avec une brutalité qui crispe les lèvres et les paupières de Syhia. Leurs regards se croisent, échangeant une lueur d'acier. Celui du maître, emplie d'une obscure quiétude dans laquelle semble embusqués des armadas d'assassins. Et celui de la courtisane, acculé, qui disparaît sous la cascatelle de sa chevelure ruisselante lorsqu'elle baisse la tête.

Oh, Syhia est téméraire, joueuse, souvent impertinente, mais elle le connait. Un peu. Bien trop orgueilleuse pour demander pardon, elle sait surtout que Carigän n'aurait que faire de ses plus plates excuses. Alors elle se tait, et échoue sa joue sur son épaule sans piper mot, bien consciente que le dialogue est un terrain de tous les périls.
Ils s'alanguissent l'un au contact de l'autre, s'égaient d'effleurages, se fourvoient dans ce tiède sanctuaire de vapeurs languides et se mettent à prêter oreille à l'univers de leurs sens qui éclosent pareils à des fleurs de nuits. Cependant, une voix grave par son timbre vient figer leurs jeux charnels.

" Seigneur Funéra. " articule patiemment Dojoodorj, dressé dans l'encadrement du panneau de bois escamoté.
Arrachant ses lèvres des clavicules saillantes de Syhia, laquelle feule d'agacement, le Loup redresse la tête. Quelques éclisses d'impatience viennent corroder le regard dont il harponne son bras droit.

" Eh bien ? Crache t-il.
_ Votre frère. Navré de vous déranger, mais il réclame après vous. Je l'ai retenu, j'ai essayé de lui parler, de lui expliquer que vous étiez las de votre nuit et que vous aspiriez au repos. Mais il s'agite. Dois-je l'écrouer ?
_ Non ... non. Je viens.
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 IV - Brisures en Terre Glacée, Diane & Carigän. (FINI) Empty Re: IV - Brisures en Terre Glacée, Diane & Carigän. (FINI)

Message par Diane Mansiac Jeu 21 Sep - 11:01

Toundra.
Diane


Le vide qui l’entoure réchauffe sa colère autant que le froid glace son corps. Elle ne devrait pas ressentir à ce point les gelures du vent. Est-ce que son épiderme se souvient encore des sensations qu’il devrait éprouver ou la jeunesse de sa nuit ne la protège pas des caprices hivernaux? C’est encore une réponse qui lui manque. Cruciale, en ces heures de tempêtes.


Une partie d’elle est fureur bien qu’elle garde précieusement Fauve sous contrôle. Sa sœur ne lui serait d’aucune utilité, mais présenterait un danger considérable. Non, il faut garder claire sa raison. Furieuse de l’attitude de Carigän. Furieuse contre elle-même de ne pas avoir su rebrousser chemin quand il était encore temps. L’avoir défier ouvertement était une connerie qu’elle n’est pas prête de refaire. Avec n’importe quel Ainé se trouvera dans son avenir.


Tournant sur elle-même, elle observe l’immensité qui se rit d’elle. Bordel. Le loup n’a pas fait les choses à moitié. Ou que son regard se porte, elle ne reconnaît rien. Aucun repère qui pourrait la guider ou lui offrir une indication utile. Pas même les cimes des monts qu’elle a appris à reconnaître. Dans quel coin pourri s’est il amusé à la parachuter? Est-ce qu’elle est seulement encore en Russie? Pour ce qu’elle en sait, elle pourrait aussi bien se trouver au fin fond de l’Alaska, du Groenland ou encore de la Sibérie. Impossible de le déterminer. Diane a toujours été profondément citadine. Elle n’a jamais eu l’âme d’un explorateur de l’impossible, se gargarisant d’avoir conquis le grand nord. Non. Franchement non! Et ce silence lui arrache les nerfs à vif.


Résolument, elle se dirige dans la direction opposée à celle que Carigän doit avoir emprunté. Un rapide inventaire de ses possessions lui laisse les dents grinçantes. Les deux lames qu’elle portait lors de leur affrontement, des baskets qui sont déjà détrempées par la neige, un jean qui ne vaux guère mieux. Une chemise, un pull et une veste en cuir. Rien de très protecteur par ce climat. Dans ses poches, son paquet de cigarette, deux briquets qui, eux, seront des plus utiles, une flasque de sang remplie. Même dans le castel, elle ne s’est pas aventurée hors de sa chambre sans être certaine d’avoir de quoi se nourrir depuis que Fauve a démontré l’étendue de sa rage.


Elle s’enfonce à chaque pas, se guidant vaguement à ce qu’elle pense être l’étoile du berger. Le froid calcine sa peau et seule la marche l’empeche de se transformer en poupée de glace. La nuit est encore jeune mais sans but réel il lui est difficile de savoir comment diriger sa volonté. Diane sait seulement qu’elle refuse de rester sur place en attendant un éventuel retour de Carigän. Cela n’arrivera pas et sa fierté ne lui permet pas une telle passivité. Non. Il l’a laissé là pour une mort Blanche, elle refuse de se coucher et d’attendre les doigts de froidure!


Machinalement sa main se porte à son cou et elle envoie un grand coup de pied dans la neige fraîche qui recouvre déjà ses empreintes. La flamme ne retient pas un juron rageur. Crevant l’absence de bruit qui la recouvre. Comment a-t-elle pu se montrer aussi négligente? Comment a-t-elle pu l’oublier dans un tiroir, prendre la poussière? Cela fait des mois qu’elle ne la porte plus régulièrement, mais le bijou demeure un joyau d’importance pour Diane.


-PUTAIN! Mon Émeraude! Fait chier! Fait chier! Et Hywell… Quoique… Hywell est mieux dans les écuries qu’à manquer de se briser les antérieures dans cette putain de plaine désertique!


Pourtant, elle se promet, sans en avoir encore les moyens qu’elle reviendra les récupérer. Quand bien même ce sera dans plus de cinq cent ans! Les manuscrits précieux de Sigvald, certaines de ses tenues, tout le reste, elle n’en a que faire. Mais le bijou et son minorquin… Elle a fait venir sa monture d’Angleterre dès qu’elle a compris que son séjour en Russie serait d’avantage qu’une passade. Elle le regrette amèrement.


Diane ne s’autorise pas un regard en arrière. Refuse de chercher à évaluer le temps qui passe. Secouant par instant la masse rousse de sa chevelure assourdie par les lourds flocons qui pèsent sur elle. Une gorgée de sang lorsque la soif la tenaille trop sèchement. Ne pouvant se permettre d’avantage. Pas tant qu’elle n’aura pas trouvé le moyen d’un apport plus conséquents. Le froid devient une partie d’elle, l’accompagnant à chaque mouvements, à chaque enjambées.


Levant la tête vers la lune voilée, elle sent ses ongles mordrent la chair tendre de ses paumes. Comment a-t-elle pu être aussi naïve? Aussi inconsciente? Aussi enfantine? Les dernières paroles qu’elle a adressé au Prince des Illusions sont une douleur lancinante. Cinq ans. Il ne s’est écoulé que cinq ans depuis la Fin de Sigvald. Et déjà elle est proche de déclarer allégeance à un autre Cainite? Est elle donc si inconsistante? Si légère? Pour songer à se lier à l’âme sombre de Carigän si tôt, elle doit l’être. Ne vouloir que lui? Ne pas vouloir le perdre… Pour cela, il aurait fallu que Carigän soit à elle. Jamais. Cela n’a jamais été le cas. Quelle folie s’est emparée d’elle pour lui faire espérer avoir une place aux cotés de son Mentor? Autrement que celle d’une pupille insolente dont il s’amuse parfois au cœur de sa couche? Que sont ses trente cinq ans au regard de ses sept cents ans d’existence? Même son Sire n’avait pas pour elle les élans qu’elle aurait voulu voir. Non. Elle était son Caprice, sa Faveur. Pour quelques années qui n’ont été que goutte d’eau. Alors Carigän? Après quelque mois seulement? Qu’a-t-elle cru lire dans les prunelles si sombres, si profondes du Loup pour s’imaginer pouvoir devenir Plus? Conneries! Elle n’est plus Mortelle, mais Fille de la Nuit et de la Brume. C’est là un enfantillage qui doit cesser. A moins qu’elle ne veut se voir dépérir parce qu’il lui refusera une caresse ou un regard. Et c’est une partie révolue de son éternité. Il disparaîtra de sa mémoire, de ses pensées, des courbes de son corps rapidement. Il le faut. Il ne sera plus qu’un souvenir, un lointain songe. Quand bien même le Feu follet parviendrait à rejoindre un semblant de civilisation, elle dirigera ses pas ailleurs! Quittera la Russie. N’importe où ailleurs. Mais loin de Lui. Loin des Funéras! Même Lazlow serait encore préférable aux Ombres dansantes du Chef de Clan!


….


Peut être pas quand même.


Ses vêtements se transforment lentement en un écrin de glace qui ne peut fondre sur son corps qu’anime aucune chaleur. Une torche. Elle s’agenouille dans la poudre et finit par rassembler un peu de mousse prises aux buissons rachitiques. Une branche dépenaillée sert de manche. Sans combustible valable, Diane se repli sur la seule solution qui lui vienne à l’esprit. Elle retire sa veste de cuir et son pull. Son torse gèle. Les pointes arrogantes de ses seins deviennent roches arrogantes à la limite de la souffrance avant qu’elle ne se rhabille. Transforme sa chemise en lambeau et elle devient une poche qu‘elle remplit d‘herbes et de lichen. L‘allumant avec son briquet. Il faut un temps infini avant que cela ne flambe mais la chaleur qui s‘en dégage, aussi poussive et nauséabonde soit elle est garante de sa survie. Il faut songer à se protéger du Jour qui viendra immanquablement. A moins de vouloir devenir si rapidement poussière. Diane n’a pas le droit à l’erreur. Cette journée peut lui être bien plus fatale que toutes les épreuves qu’elle a traversé auparavant. La fatigue commence à ralentir ses pas et elle va devoir économiser une partie de ses forces pour trouver une tanière suffisamment protégée. L’échec n’est pas pensable. Elle ne sait pas combien de miles elle a parcouru. Un rire au regard du vide qui l’environne, cependant, elle devra s’en contenter. L’Anglaise n’a pas croisé âme qui vive, étendant son Aura le plus largement possible, sans qu’elle n’obtienne la moindre réponse. Vivante ou Immortelle. Quelques animaux qui l’ont regardés comme une étrange curiosité. Sans même s’éloigner vraiment d’elle tant elle ne parait pas représenter une menace pour eux. Cette nuit non. Par contre, les suivantes, elle ne le parierait pas.


Il ne lui reste plus que trois heures de pénombres quand elle décide de s’immobiliser. Deux heures seront bien à peine suffisante pour forger son abri de fortune. Avec précaution, Diane plante la torche dans la neige. Rechauffant vaguement ses doigts engourdis à la flamme fragile. Si semblable à elle-même. Un coup de vent brusque pourrait les éteindre, mais elles se refusent à être souffler si facilement. Elle ne sait même pas par où commencer. Demain, elle tentera de trouver une protection naturelle. Si le soleil ne l’a pas calciné… Pour l’heure, le choix n’y est pas. Elle creuse la neige à mains nues, laissant ses pensées et son aura vagabondes, ouvertes à tous et à rien. Que lui importe? Elle est seule. Seule. Seule. Elle tire sur ses mains son pull par-dessous sa veste en cuir et s’affaire à creuser un trou dans la couche fluide. Comme dans ses souvenirs d’enfances, elle tente de façonner des blocs de neige compacts qu’elle empile les un sur les autres. La Fleur Urbaine use sans ambages de sa force vampirique, cherchant à ouvrir les réserves d’énergies de son Loup. Cela fait des années qu’elle n’a pas songé à son frère et à sa sœur. Ils doivent la croire morte. Et elle l’est. Plus jamais elle ne pourra redevenir leur sœur. Plus jamais elle ne fera partie de leur fratrie. Mais parfois, elle aimerait leur donner l’occasion de faire leur deuil. Qu’ils la sachent morte et non pas « disparue ». Seulement le moindre contact serait possiblement les mettre en danger. Impossible. Luka et Heloise doivent avoir grandis. Elle grimace. La solitude ne lui convient pas si elle se laisse perdre dans la mélancolie.


Elle n’est plus Diane Mansiac. Qui elle est, elle l’ignore. Mais Diane Mansiac. Non. Cette femme là a cessé d’exister.


Elle forme un mur maladroit, de quinconce par-dessus le trou qu’elle a creusé. Formant une espèce de petite niche dans laquelle elle parvient à se faufiler après des minutes éreintantes. Diane récupère sa torchère de fortune et avec la chaleur dégagée, fait fondre à peine les blocs de manière à ce que l’humidité et l’eau comble les interstices des cubes. C’est avec un certain étonnement émerveillé qu’elle prend conscience que cet igloo mal construit parait tenir le coup. La flamme referme l’entrée et fixe sa lumière le plus loin possible des parois. Heureusement qu’elle n’a plus besoin de respirer car le risque d’asphyxie est grand. Avant de clore l’espace, elle a amassé autant qu’elle a pu de fougères et de mousses, parfois quelques plumes égarées pour une couche qui l’isole de la neige. Diane fini par s’allonger après avoir pris soin de vérifier qu’elle ne risquait pas non plus de s’enflammer.


Les yeux grands ouverts, elle attend avec une certaine impatience la torpeur qui viendra l’emporter. Sans savoir comment elle pourra survivre à long terme dans cet environnement sans pitié. Elle a froid, mais nettement moins, son nid commence à se réchauffer. Elle ne veut même pas savoir ce que fait Carigän. Refuse de tourner ses pensées vers lui. Sans doute déjà pris dans les méandres d’une politique dont il l’a soigneusement laissé à l’écart. Malgré ses demandes timides pour comprendre d’avantage le monde mouvant dans lequel il évolue quotidiennement. Elle ferme les yeux, élargissant ses sens vampiriques. S’ouvrant à sa nature. Retrouvant le plaisir de son indépendance. Elle est dans une sale posture, mais pour l’heure, elle gère plutôt bien. Tant qu’elle pourra trouver du sang. Il lui reste une demi flasque… A peine suffisant pour la nuit prochaine! Mais elle ne veut plus réfléchir. Plus maintenant. Lasse. Epuisée.
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Message par Diane Mansiac Jeu 21 Sep - 11:07

Demeure des Illusionnistes.


Les pas du grand Illusionniste martèlent le dallage sans merci. Sur son passage, on s’écarte avec une promptitude qui n’a de pareil que l’instinct de survie. Le regard ombrageux du Maître perce la pénombre qui s’étend devant lui en marée noire. Il descend les niveaux à une vitesse vertigineuse. Lentement, le fat luxe de ses hauts quartiers se dégradent au profit de murs plus rudimentaires, chamarrés de torchères véhémentes. Puis encore plus bas, les coursives se détériorent et paraissent de grandes trachées dont les arceaux rappellent les anneaux cartilagineux qui aident à la digestion. Les geôles. Les entrailles chaudes et moites du palais Illusionniste.

A quelques enjambées derrière lui, Dojoodorj le suit. Silencieux comme la mort qui emporte sans prévenir, impartial comme à l’heure du jugement dernier. Le pas du Mongol est diablement régulier quand celui du maître de séant s’emporte au gré de ses tempêtes internes. Au tout venant, l’empressement du Seigneur évoque davantage une lassitude nerveuse. On dirait que visiter son frère relève d’une accablante corvée et que Carigän reprendra derechef son bain romain là où il l’a laissé une fois sa tâche menée à bien. Mais depuis des siècles, le Guerrier ne se laisse plus duper par les allures trompeuses de son Maître.

« Carigän, murmure t-il de sa voix profonde.
- Hm ? S’évade le grand Illusionniste.
- Quelque chose t’importune ?
- Non. Et toi ? L’odeur peut-être ? Carigän ne jette même pas un œil en arrière, lâchant ses mots comme il jetterait des pierres au petit bonheur par-dessus son épaule.
- Je ne parlais pas des geôles, rétorque le Mongol, égal à lui-même.

- Mais l’odeur est insupportable, c’est un fait. Il faudrait dévier toute une rivière pour laver ces canaux des moribonds qui s’y entassent, mais il me semble que certains trouvent leur bonheur à errer dans ces exhalaisons … Où est-il ?
- Je ne sais pas. Il déambule.
- Tu l’as laissé sortir de sa chambre, alors ?
- Sous ton ordre.
- Je n’ai jamais donné cette directive.
- Je l’ai rêvée, sans doute.
- Très probablement ! »

Carigän s’arrête si brutalement que cela semble être un caprice de ses jambes. La nuque droite et l’air dégagé, ses deux iris d’obsidienne roulent lentement dans leurs orbites, buvant les ombres qui les enveloppent. Malgré ses atours de prince et sa majesté écrasante, il n’y a qu’une bête pour se dissimuler derrière un regard aussi vif. Par intermittence, comme s’il décelait dans l’air une piste familière embourbée dans ce florilège d’agonies, les petits muscles qui sculptent son visage frétillent comme les vibrisses d’un chat. Et puis, sans crier gare, il repart. Sa lourde cape étouffant le clappement de ses bottes sur les pavés disjoints. Dojoodorj sur ses talons.

Le grand Illusionniste enfile quelques artères insalubres, alpha inspectant son territoire à pas feutrés, avant de le trouver. Nullement caché. Assis en tailleur, au beau milieu du passage, l’échine recroquevillée en une roue crantée et la tête noyée dans l’ombre de ses épaules d’épouvantail. Sur sa nuque torturée offerte aux pâles lumières, un rat se toilette distraitement. Un autre escalade les côtes sternales de son dos qui affleurent le coton lâche de sa chemise. Veragän ne bouge pas d’un iota. Il est tellement immobile que la vie grouillante des cachots fait fi de sa présence et continue son bonhomme de chemin. L’ombre impériale de Carigän, projeté par les flammes sur la carcasse figée de son frère fait déguerpir la vermine dans les zones noires. Dojoodorj n’esquisse pas un pas de plus.

- Ca… r… Des sons qui suintent de ses lèvres comme le pus de sa plaie.
- Carigän. C’est ça, murmure t-il, patient, avant de contourner précautionneusement son frère pour lui faire front. Tu m’as dérangé alors que j’aspirais au repos. J’espère que tu as une bonne raison. Je reviens d’une petite excursion au cœur du blizzard, vois-tu, et je suis las, petit Frère, très très las. Qu’est ce que tu me veux ?

Veragän ne répond pas. Ou tout du moins ne fait pas l’usage de sa langue. Alors Carigän hasarde une approche, esquissant un pas vers la boule de chair gisante. Ses genoux sont verrouillés, garants d’une imperturbable hauteur alors qu’il s’arrête à un souffle du Spectre. Forcé à tordre la nuque en avant pour l’apostropher de la nuit impitoyable coulée dans ses deux billes. Les cervicales de Veragän craquent lugubrement. Son cou se tord jusqu’à ce que sa joue vienne se planter dans l’acromion saillant de son épaule. Comme s’il patientait qu’il lui tranche la tête. Comme s’il se contorsionnait pour échapper à une poignante douleur. Spectacle qui n’est pas du goût de l’Aîné.

- Tu as mal ? demande t-il doucement.
- M … al, se dolente t-il en un crachat de syllabes désoxydées.
- Où ça, petit Frère ? Où est ce que tu as mal ? continue Carigän, abandonnant le logis de sa fière verticale pour poser un genou dans l’écume grisâtre des souterrains.
- Les organes … préhensibles, chuchote t-il, semblant s’asphyxier. Ses cheveux poisseux de terre, de gravas et de crasse recouvrent son profil comme autant de queue de rats épaisses, ne découvrant qu’un œil, aiguisé comme un silex de glace.
- Et est-ce que tu voudrais bien me montrer ?
- Ta faute, feule le Spectre avec une note de lugubre désespoir.
- Excuse-moi si je t’ai offensé, ça n’était pas dans mon intention. En revanche, si tu me fais l’exposé de tes blessures, je mettrais tout en œuvre pour les faire disparaître, entonne avec une tendresse quasi-maternelle l’homme-monstre.

- …
- Veragän.
- Que lui veux-tu ?
- Montre-moi tes blessures. Maintenant.

Jusqu’à présent, le Mongol est resté tenir compagnie aux ombres, mais il se permet alors une incartade à sa loi du silence : Carigän, non !

- Veragän, je VEUX voir tes blessures, tempête le grand Illusionniste avec sa voix de corne de brume.

Gageant d’une brutalité féroce, Carigän agrippe les épaules pointues de son frère et l’arrache à sa catatonie comme on arrache un bébé du ventre de sa mère. Toutes griffes dehors. Instinctivement, Dojoodorj recule pour échapper à l’onde de choc. Veragän, épicentre de la déferlante, met ses cordes vocales au supplices et libère un cri inhumain qui résonne comme une partition stridente écrite de la main de Perséphone. Sa folie prend vie, autour de lui, en salves de froid, en canonnade de hurlements. C’est comme si l’hiver du monde entier se retrouver piégé, reclus dans ce labyrinthe étroit et hurlait comme une nuée de femmes battues. Un seconde. Un battement de cil pour une destruction du monde.

Lorsque le Mongol ressort la tête de ses bras, burinés par le sabre et le vent, c’est pour observer un renversement de situation. Veragän maintient son frère aîné par terre. Carigän, étalé de tout son long dans la vermine, ne semble absolument pas souffrir de sa posture et fait parade de son sourire incisif. Ce sourire, si tranchant qu'il semble capable de couper la langue des pauvres ères qui osent investir son périmètre.

Demeure des Illusionnistes – Cachots.


Les genoux ossus de Veragän poinçonnent impitoyablement les flancs de Carigän. L'épinglant à terre. Étalé de tout son long au contact de la pierre humide, l'aîné ne témoigne aucun signe de résistance. Le spectre le surplombe, et son expression de vide absolu se veut dysharmonieuse de la rage qui anime ses mains. Car ses doigts d'oiseau enserrent le cou de son frère.

Dojoodorj bondit de sa cachette d'ombres, et alors que sa main puissante s'apprête à faucher Veragän comme le ferait une moissonneuse d'un épi malade, il se fige en plein vol. Pour cause, son maître le fixe par dessus l'épaule désarticulée, de son regard qui condamne la vie et le mouvement. Le grand Guerrier Mongol soumet un pas en arrière et bl'ombre de son bras musculeux déserte la silhouette du Spectre.

- Carigän, un seul mot de ta part.
- Laisse le, Dojoodorj, murmure paisiblement le grand Illusionniste avant de croiser le fer avec le regard néant qui le domine. Je crois bien qu'il a quelque chose en tête. N'est-ce pas, Veragän, y a t-il quelque chose que je dois savoir ?

L'Ectoplasme ne pipe pas. Autour d'eux, le silence est hiémal. Le cri strident du cadet ricoche encore de loin en loin des souterrains dédaléens. Ses décibels de banshee ont littéralement soufflé toute forme de vie à la ronde. Les rats ont quitté le navire, les insectes se sont réfugiés dans les lézardes, le gargouillis des canalisations érodées a suspendu la course de sa digestion, l'humidité se retient même de goutter, de profaner l'espace-temps que les deux frères ont sabré.

- Parle-moi. Avec des mots, articule Carigän avec une patience paternelle.

- Mes tentacules ... Pleines de sang. Du sang qui s'accroche à la brume comme des avortons qui ventousent le sein de leur mère, récite t-il comme habité. J'ai des sangsues ... plein les ombres, dans le crâne, dans le froid, dans le blanc ... Partout. Des sangsues grasses, grosses, pleines de grogne ... elles ont injecté leur langue barbelée dans mes ... esprits. Tout ce sang gris ... Carigän ... Je n'ai pas réussi ... Lâche Veragän sur le ton d'une éprouvante confidence.

Immobile dans son décubitus mortuaire, Carigän ne brise le sort de sa fixité que pour poser sa main sur celle de son frère, toujours amarrée à son cou. Lentement, sans précipitation, il en vient à empoigner le poignet branchette de Veragän et le décolle de sa gorge précautionneusement.

- Je ne vois pas de sang, petit Frère. Tu ne saignes pas. Tu ne peux pas saigner ... Tu es blanc comme un nuage, tu te souviens ?
- Pas moi, Carigän ! rétorque t-il sans ambages, comme si le temps lui était compté.
- Qui ? Demande le grand Illusionniste en conservant faciès tiède.
Sur le visage du Fantôme, les muscles qui ont survécu à sa cachexie se crispent tout leur soûl, et le mot qui meurt à ses lèvres a la consistance d'une traînée de boue sonore.
- Toi.
- Non, Veragän, je ne saigne pas ... Où est-ce que tu vois que je saigne ?

Avec une douceur empruntée aux chimères, les deux mains filandreuses du cadet viennent emprisonner la tête de Carigän.

- Dedans. Carigän. Dedans dedans deux dents, des mâchoires qui mâchent et des gueules goulues. Carigän ... il y a quelque chose qui te tourmente. Je sais. Je sens. Je vois. Je touche. Je me suis entaillé dessus ... Parce que je voulais recoller ce qui s'est brisé. Tu as toujours eu des grandes fenêtres lumineuses. Un carreau est cassé. Peut-être même deux. Trois. Quatre. Ca fait rentrer de la bile d'hiver et de la lymphe de nuit. C'est pour ça que tu es allé disparaître dans tes vapeurs brûlantes avec Sssssssyhia ? Siffle Veragän.

Ses mots se bousculent à ses lèvres en éboulis de syllabes trompeuses, dans une vibration échevelée de cordes vocales. Ses poings blancs se crispent rageusement sur la chemise noire. Un peu plus et le Spectre choquerait son frère contre le sol pour lui graver dans la peau du dos la cursive de ses mots qu'il ne semble pas entendre.

- Ca suffit. Tu me lâches. Maintenant, s'impatiente Carigän. Un coup de tonnerre annonciateur d'une tempête.
- Il est quelque chose qui te tourmente. Qui te tempête. Qui t'ouragan. Parce que ... quand j'ai mis mes mains dans le palais des glaces où se promènent tes esprits paradoxaux ... Des bris, des tessons, de la charpie de crâne. J'ai essayé. De tout recoller. Grain par grain. Particule par particule. Mais je me suis tailladé les mains. Jusqu'au coeur qui pulse sa fange. J'ai perdu toutes mes phalanges. Mais je voulais tout recoller, Carigän. Je te jure. Jure. Jure. Te recoller. Tu me crois, Ermès ?
- Je t'ai dit ... de me ... lâcher, Anikeï.

Ni le Mongol ni le Fantôme n'ont le loisir de brouillonner un seul mouvement que le Loup a repris l'ascendance de la situation. Debout. Droit. Les poings qui agrippent les hardes vermineuses de l'épouvantail dégingandé. Son petit frère. Tant et si bien plaqué contre le mur que ses omoplates saillantes évoquent des tringles de rideaux. Des rideaux de chair et d'os flottant au vent.

Le retournement de situation n'a nullement affecté l'expression de Veragän. En aparté du monde qui l'entoure, des mouvements qui se dessinent, du sable-temps qui s'écoule. Il n'a pas fini de réciter son ode à la psychose.

- Je vais te sauver. T'arracher tes yeux noirs. T'en choisir des bleus. Ou des blancs ? Blancs. Qu'est ce que tu préfères ? L'éther ou le ciel ? La chaux ou le sulfate de mercure ?
- ARRÊTE ! Il n'y a rien à recoller, Veragän. Rien. Tu comprends ce que je te dégoise ? Rien ! Rien rien RIEN. Tu n'as pas saisis ? Il n'y a pas de fantômes. Il n'y a rien qui vaille d'être secouru dans la mort. Il n'y a pas de sang sur tes mains. Il n'y a rien au cœur du brouillard. Nous y sommes seuls. Désespérément seuls. Tout ce que nous entendons, percevons, visionnons, pressentons, touchons, tout cela provient de notre Imaginaire. De nous. DE NOUS, exclusivement. Des Illusions. Un leg empoisonné. Qu'est ce que tu as foutu TOUT CE TEMPS ! QU'EST CE QUE TU AS FOUTU TOUT CE TEMPS POUR REVENIR COMME CA ?!

Non. Dojoodorj ne peut rester bras ballants au devant de cette confrontation qui vire à la folie la plus profonde. Il ignore pertinemment ce qui se joue dans les esprits duellistes des deux frères, et jamais il ne se hasardera à comprendre. Une seule conviction l'anime, et elle est suffisante : C'en est trop.

Sa masse puissante s'infiltre entre les deux héritiers, sa main corneuse attrape le fantôme par la nuque et repousse le loup d'une pulsion sismique sur la poitrine. Le dos de Carigän s'éclate contre le mur dans un bruit d'os martyrs. Veragän, lui, transperce l'arbitre de son regard intrusif, hurle cette emprise qu'il ne supporte pas. Il hurle d'une voix dont les aiguës demeuraient jusqu'à ce jour irrévélées. Des aiguës d'enfant meurtri qui partent rebondir et mourir dans les boyau du labyrinthe. Carigän se bouche les oreilles pour ne pas entendre. Une vision qui insupporte le Mongol.

- Carigän. Mon prince. Je m'en vais enfermer ton frère dans le repos de sa chambre. Je te prie de m'excuser. Jamais je n'aurais dû lever le verrou sans ton consentement.
- Non. C'est bon. Laisse-le. Lâche-le, souffle Carigän d'un timbre sans conviction.

- Es-tu sûr que ...
- LÂCHE-LE.

Le Guerrier s'applique, et ses phalanges de roc lâchent prise. Le Spectre se précipite hors de portée, tend autour de lui son regard d'esprit vengeur. L'échine courbée, traquée, décalquée de vertèbres bossueuses, il recule. Son dos en dent de scie cogne contre le mur. Ses paumes trouvent appui fiable contre les briques baignées de la crasse de prisonniers passés à trépas. Son regard d'inapprivoisable défie le Mongol d'approcher.

- Fou. Non. Pas moi. NON. Ce sont des mensonges. Des mensonges ! Des mon songes aux allures de cauchemar. Cauchemar ... dit-il dans un chuchotis effréné qui fait vrombir les galeries.

- Veragän ! REGARDE-MOI, tempête Carigän en agrippant le visage de son frère, plantant ses doigts dans les tempes creuses, ancrant son regard dans le sien par l'usage de la force.
- Tu ne me crois pas, Carigän ? Tu ne me crois pas ? Pas ? Pas un instant ? Fou. Fou ! Tu penses ? Toi ? Que je suis fou alors que je ne suis que foudre ? Que la foule des oubliés ? FOU, Carigän ? C'est ça ?
- Attention à ce que tu dis, petit Frère ... tance t-il, acide, lugubre. Jamais, je ne penserai une chose pareille, JAMAIS. Tu m'entends ?
- Je t'entends, chuchote Veragän en remplissant ses yeux de vide. Tu ... as la voix d'un luth désaccordé.
- Jamais. Le monde entier est fou, mais pas toi. Surtout pas toi, jamais toi, Vera.

Les échos des cris proférés dans le cachot s'estompent dans le velouté des ténèbres. Carigän qui forçait le visage de Veragän à faire face, faillit. Non qu'il l'ait voulu, c'est qu'il a tremblé de rage. Que son étreinte acéré s'est étiolée. Le squelette inerte du fantôme vient s'anéantir contre le torse de son aîné, ployant dans les bras frères qui le retiennent.

C'est terminé. Toute énergie a déserté le Fantômes dont les membres capitulent d'un seul trait, fantoche sans fils jeté dans le vide. Un silence sépulcral suture ses lèvres bleuâtres. Sa joue est encastrée dans l'épaule carrée de Carigän. Son esprit, en état de mort clinique, ne laisse rien filtrer sinon des yeux morts, qui clignent avec une lenteur amnésique. Carigän tombe à genoux, le visage inhabité de son cadet abandonné contre lui. Son petit frère semble endormi les yeux grands ouverts, semble t-il à jamais figé.

Dojoodorj, dans sa stupeur de spectateur, crispe des paupières pour mieux passer outre les pensées interdites qui viennent d'infiltrer son esprit. Veragän Funéra méritait meilleur sort. Ces accès de parole sibylline et cet état paralytique sont les éléments d'une terrible agonie. Il devrait être mort. Il devrait être cendres. Il n'aurait jamais du être retrouvé. Il aurait dû disparaître, ou du moins périr en silence. Cela aurait mieux valu pour tout le monde. Pour lui comme pour Carigän. Surtout pour Carigän. Cet état de cadavre fou est une insulte pour sa mémoire. Comme s'il avait lu ses pensées, un sourire ravagé vient raviner le visage blafard du Loup.

- Tu ... iras ... chercher Diane ? Je crois qu'il ... parlait d'elle.
- Bien sûr.

Le Mongol esquisse un pas en arrière, révolté malgré lui par le tableau macabre qu'offrent à contempler les deux infants de Vanabelle. Autour d'eux, l'obscurité se condense et se délie en un bestiaire cauchemardesque. Des volutes de brume grouillent autour d'eux comme des langues tortillantes qui s'apprêtent à les avaler dans le gosier d'une autarcie sans retour.

Les paupières ombreuses de Carigän tombent avec une lourdeur de finalité, dérobant son regard du monde quand celui de Veragän fixe un point imaginaire avec la passion du Rien. Dojoodorj a cette sensation mordante d'être seule âme qui vive aux fonds des cachots. Il n'est que le silence et l'inertie totale. Alors, il marque une révérence douloureuse et se retire.
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 IV - Brisures en Terre Glacée, Diane & Carigän. (FINI) Empty Re: IV - Brisures en Terre Glacée, Diane & Carigän. (FINI)

Message par Diane Mansiac Jeu 21 Sep - 11:07

DIANE.

Le temps s'étire et l'étire. Les nuits deviennent muettes et pourtant élargissent ses sens. Diane est perdue et l'absence de civilisation, l'absence de Trace de civilisation est un fardeau puissant et sauvage. Le sang animal est devenu sa seule ressource. Bien qu'il ne soit guère nourrissant, il lui permet de conserver des forces. La Flamme ne s'arrête jamais d'aller vers l'avant.

Quand bien cet avant est un inconnu qu'elle découvre pas à pas. Malgré sa nature Immortelle, ses mains ne cessent de se crevasser au contact de la neige qu'elle sculpte, nuit après nuit, pour se protéger des rayons mortels du Soleil. Les étoiles guident à peine ses pas dans un voyage qu'elle espère rectiligne. Si elle a senti parfois les effluves d'autres créatures Nocturnes, ils lui sont restés hors de portée. Mouvant.

Peut être les a t'elle imaginé? Parfois, dans un réflexe inconscient, ses paumes se portent à sa gorge, n'y trouvant que le vide. Le bijou qu'elle porte depuis des années est resté sur la console des appartements qu'elle occupait dans la demeure Illusionniste. Maudissant le Prince des Chimères pour cette absence.

Diane refuse de songer à Carigän. Refuse de conjurer le visage de celui qui l'a condamnée à une errance dont elle ne voit aucune finalité. Refuse de se perdre dans les instants qu'ils ont partagés, sous peine de flancher. La Flamme n'a pas ce luxe. N'a plus ce luxe. Ses pas s'enfoncent parfois dans des plaques de neige fraiche, manquant de l'ensevelir.

Sa peau pâle se confond avec la glace qui l'entoure et seule sa chevelure flamboyante trahit sa présence. Ses vêtements résistent mal à la pression des éléments bien qu'elle soit parvenu à s'envelopper dans la peau des rênes qu'elle continue à chasser. Tannage bien maladroit si elle en croit l'odeur répugnante qui s'en dégage. Mais qui lui offre un peu de tiédeur sous les vents brisants.

De la meute de loup qu'elle a croisé, l'Amazone n'en voit plus que les effluves. Pourtant, elle sent, devine la présence magnétique de la Louve de nacre, dont le pelage se dissimule si bien avec leur environnement. La Vampire a pris l'habitude de dépiauter les animaux, laissant toujours un morceau de choix pour cette étrange compagne que la nature lui fournit.

Elle ne se permet aucune pensées de désespoir. Refuse la possibilité d'échouer à retrouver le monde des Hommes. Par deux fois les dernières nuits, elle a croisé la présence de pauvres huttes à moitié démolies. Assurant qu'elle se trouve, si la fortune lui sourit, sur la route de nomades. Bien qu'ils ne doivent plus emprunter ces chemins qu'une fois le tapis de neige disparus.

La Vitae animales commence à la dégouter. Ne faisant pas l'erreur de s'en passer. Plus jamais. Plus jamais elle ne connaitra l'horreur d'une Frénésie. Pas si elle peut se l'épargner. Diane s'immobilise. Observe les étoiles. Posant un genou à terre pour écouter son environnement. Rien. Un silence à la qualité surnaturelle, à peine troublé par le champs de prédateurs ailés.

A la lisière de sa vision, la Louve se matérialise. Un sourire sur ses lèvres. Pas un geste. Pas un bruit. Ne pas faire fuir la Fière Carnivore. Pourquoi a t'elle quitté sa meute? Trop indépendante? Elle ne connait pas suffisamment les mœurs de ces souffles vif argent. Ses gestes se veulent sans brusquerie lorsqu'elle lance vers elle un morceau de viande cru de sa chasse nocturne.

Diane vient juste de se nourrir et la Vie pulse en elle. Comme rarement, elle possède une patience qui lui fait cruellement défaut. L'animal renifle le paquet sanglant. Jouant de la patte, le roulant dans la neige avant de mordre dedans. Avec délicatesse.


DÖJÖÖDÖRJ


Le Petit Seigneur a parlé. Ces dernières nuits, le Palais Illusionniste vit à l'aune des humeurs labiles du petit frère retrouvé. Alors qu'il chevauche inlassablement en direction de l'immensité blanche, Dojoodorj est en proie à ses inquiétudes. Aussi vif et robuste soit sa monture, elles le talonnent et le dénichent où qu'il aille.

Veragän Funéra n'est plus. A sa place, une créature de psychose, un cadavre inerte qui profère au tout venant ses psalmodies d'outre tombe. Il est bien révolu, le temps ou le jeune Funéra lui flanquait la bourrade gaillarde derrière l'épaule et le raillait agréablement. Maintenant, il passe son temps à errer dans les cachots, à renifler les fragrances des cadavres et à murmurer des insalubrités.

Faire entendre raison à Carigän est une cause désespérée et Dojoodorj ne saurait s'y hasarder si précocement. Pas encore. Mais il se refuse de contempler bras croisés l'avancée de cette déchéance. Car Veragän entraînera Carigän. Indéniablement. Les discussions qu'il a glané auprès de son seigneur sont des sources de mauvaises augures liquides.

Le vent sibérien accueille son visage d'un baiser de cristaux, atténuant la brûlure de ses tourments. Droit en selle, les jambes en communion avec les flancs du cheval, le guerrier voit la vasteté désolée défiler dans ses grands yeux sombres. Un vent boréal vivote entre les sapins, l'onde des lacs et des rivières renvoient l'image d'un cavalier sans tête.

Il déferle des montagnes pareille à une avalanche et les escalade avec révérence. Retrouver la Néonate. Toutes les dérives de son esprit se sont scellées autour de cette mission qui ne souffrira pas le manquement. Carigän a été très vague dans ses indications. Les frontières de la zone désignée correspond à des semaines entières de chevauchées ininterrompues.

Contre son flanc, un havresac lourd de quelques effets rudimentaires. Gourdes de sang, qu'il remplit au gré de ses rares rencontres auprès des nomades. Des nomades qui désertifient à mesure qu'il approche du territoire prison de Diane. Un territoire de vide, de vent et de neige que fuient les transumances. Il n'est que les fantômes pour s'y perdre.

Ici, aucun cadavre pour polluer le champ virginal. Les dépouilles de bêtes sont une nourriture trop précieuse, et il ne connaît pas nettoyeur plus méticuleux que les charognards sauvages. Difficile de pister une néonate sur ces terres exemptes de sillages. Ce sont ses sens de chasseur aguerri qui le guide dans la seigneuriale toundra.

Ce sont les animaux, les vents et les brassées de neige qui tiennent sa lanterne. Depuis quelques nuits, le Mongol s'est emparé de cette note ténue que se disputent et se déchiquètent les vents. Une fragrance de chair humaine, teintée d'une aura inflammable qui subsiste laborieusement au cœur des grands froids. Il s'en approche, chaque nuit un peu plus, chaque minute davantage.

Un matin, alors que l'aube s'apprêtait à saillir, et qu'il s'en retournait pour le jour dans sa tente de cuir tannée, il savait. Que la nuit prochaine verrait son retour. Au crépuscule, son cheval escalada une butte couronnée de sapins épuisées. Alors hissé au point culminant, il la vit, en contrebas. Partageant une petite masse sanguinolente avec une princesse à la robe hivernale.

La louve surprise mais non apeurée redressa son museau vers lui, le dévisagea. Dojoodorj sentit son cheval piaffer d'inquiétude au nez du prédateur, cabrer dans l'hiver et débouler le tertre après avoir été éperonné farouchement. La bête s'éclipsa comme spectre, et alors le cheval s'arrêta à quelques larges enjambées de Diane. Le regard du Mongol tomba sur elle, égal, placide, sans surprise.

- L'hiver ne vous a point assassinée ? Peut-être lui plaisez-vous, Néonate,*lâche le Mongol en démontant hardiment, agrippant la bride.*

*Il sent la soif à fleur de peau de la nouvelle créature qui lui fait face, et ne fera pas l'erreur de parler à la citadine rencontrée en Russie.*

- Gardez-vous de toute offense à notre égard, à mon Compagnon de route et moi. Ni son sang ni le mien ne gouttera.

*Il ne s'approche pas plus, comme on n'approche pas une bête sauvage plus que de raison. Bien inconcevable de penser que son séjour dans la Toundra glaciale eut été sans effet sur une fragile créature nouveau née de la nuit. *

- Le petit Seigneur m'envoie.

DIANE

C'est le vent qui apporte le fumet de l'Aura d'un Vampire. Diane ne bouge pas. Refusant d'offrir son attention à qui que ce soit d'autres que la Louve. Elle, elle mérite son regard. La Fiancée de la Neige lève le nez de l'offrande qui vient de lui être faite et la cainite ne retient pas un soupire d'agacement. C'était bien le moment qu'il pointe son museau.

Il ne pouvait pas avoir la courtoisie d'attendre? Empiéter ainsi... Non. Ses épaules se sont raidies. Malgré tout, sur la défensive. Après tout, elle présente bien son dos à un jet pouvant être douloureux. La monture fait un bruit d'enfer dans la paisible quiétude qui était la sienne. La Leur. La Louve disparait dans un froufrou de fourrure, non sans emporter la viande fraiche.

Lentement, Diane se redresse. Faisant face à l'arrivant. Reniflant son odeur. Un sourcil se hausse avec une pointe de surprise. Le Guerrier Mongol. Que vient il faire dans ce désert de Glace? Il palpite de vie et son cheval. Aussi. Ses narines frémissent. Elle lui présente un regard de pierre. Une réponse tombe de ses lèvres.

-Je n'ai pas encore perdue toute raison.

Attaquer Dojoodorj? Autant éteindre son éternité dans l'instant. Est ce qu'elle est heureuse de le voir? Non. Elle cherche à comprendre les entrelacs de sa présence. Qu'il ne tarde pas lui présenter.

-Véragän? Pourquoi ferait il une chose pareille? Pour lui, je suis une nuisance. Une intruse. Ne croyez pas que je l'ignore.

Si elle n'est pas agressive, il n'y a pas de cordialité dans sa voix.


DÖJÖÖDÖRJ

Le guerrier se tient droit, de la bravoure dont seules sont capables les statues de guerre. A coté de lui, le petit cheval mongol, fort de son long périple, souffle bruyamment des spectres de vapeur. La main du cavalier flatte l'encolure robuste, insufflant ainsi sérénité à son compagnon. Son visage est si froid qu'il semble la pièce maîtresse d'une armure.

Le vent n'est d'aucune prise sur sa tunique ancestrale et ses bottes à pointes remontées crissent à peine dans la poudreuse. Il est d'une sérénité solennelle.

- Vraiment ? Murmure t-il sans raillerie alors qu'elle parle de ... raison, bataille ininterrompue de son existence.*La raison vous quitte sans vous demander congé, alors que vous pensez la tenir contre vous. Permettez-moi de garder réserve.

*Et ses mots sont durs. Tellement durs. Prononcés comme s'il s'agissait de la devise de sa maison.*

- Pourquoi ? Ce sont là des questions que je ne me pose pas, Madame. Personnellement, je n'aurais pas l'arrogance de comprendre et saisir les aspirations de mon petit Seigneur. Libre à vous de tentez l'aventure si vous vous estimez à la hauteur.

*Non pas une provocation, mais un souffle d'humilité et de non-jugement. Il incline révérencieusement de la tête, comme pour renforcer la franchise humble de ses paroles. Non, il n'interprétera pas. Il laisse les suppositions à ceux qui aiment ça. Sans mépris, tout simplement.*

- Tout du moins, c'est la requête que mon Seigneur a cru déceler dans les dires de son frère cadet.

*Il marque une pause.*

- Le pourquoi vous intéresse t-il tant que vous ne saisirez pas l'occasion de quitter ce monde ? La toundra vous aurait-elle conquise ?


DIANE.


Un geste de la main. Un mouvement du poignet. Son regard bleuté ne quitte pas les prunelles du Sage. Sans adoucissement. Sans grâce. Elle comprend. Comment pourrait elle ne pas saisir l'éphémère de la Sanité après avoir été au contact de Veragän et des Eloignements de Carigän. Doji ne se place pas en adversaire mais...

-Je dirais donc qu'il me reste suffisamment de sens pour ne tenter un geste offensant à votre encontre

Pourtant... Diane n'a pas oublié. Carigän n'a pas levé la menace sur sa nuque. Loin de là. Et Dojoodorj est censé être l'instrument de cette sentence. Elle n'oublie pas.Décrypter les errances de Veragän. Une once de respect. A peine. Bien sur. Il suit des chemins funambules qui ne peuvent être saisis si aisément. Et si Lui ne tente pas, elle n'aura pas de réponse. Pourtant Diane sait qu'elle n'a pas rêvée l'animosité qui emprunt parfois les gestes du Fantôme à son égard.

Un frémissement à l'évocation du Prince des Loup. Quelque chose en elle se claquemure. Se referme. Se fait tout petit. Elle Refuse. Elle refuse de penser à Carigän. Un sourire dont toute joie est définitivement absente à sa dernière remarque.

- Loin de là.

Elle englobe le Désert qui les entoure.

-Il doit bien y avoir une Fin. Une limite. Ce vide ne peut continuer à l'infini.

Ses yeux qui se castent sur la neige durant d'infimes instants avant de se relever.

-Vous avez tord. Les raisons sont essentielles.

Ne comprend il pas? Ne voit il pas l'amertume de ses paroles. Carigän ne désire pas son retour pour lui. Mais pour complaire à son Frère. Un Caprice qu'il lui passerait

-Il y a des occasions dont le venin est trop lourd pour être enlacées.


DÖJÖÖDÖRJ


L'hiver ravage tambours battants. Un souffle froid rabroue sa tresse d'ébène alors qu'il demeure immobile, roc sorti des entrailles du monde. Elle revendique son sang froid de ne pas l'attaquer ? Très bien. Cela ne l'empêchera pas de faire gage de sa vigilance de fauconnier, d'épier ses moindres et gestes, de surveiller la soif qui court son grain de peau.

Dojoodorj n'est pas aveugle de ce qui se joue entre Diane et son Maître, aussi prête t-il attention aux frimas qui attaquent le visage de Diane lorsqu'il évoque son prince. Aucune remarque inconséquente ne saurait forcer le barrage de ses lèvres baignées de respect.

- Il n'est pas de Fin, mais une multitude de Fins. La mort et la vie en font naturellement parties.

Elle s'attarde sur les raisons, chose que ne comprend pas celui qui vit dans les actes, dans l'impact et la répercussion, dans la primauté du concret, dans la nécessité d'extraire des éléments tangibles d'un monde éthéreen.

- Non, je n'ai pas tort. Les raisons sont essentielles pour vous et vous seule. Ce ne sont pas ces raisons qui m'ont menés jusqu'à vous.

Les paroles de la flamme se font alors fumées blanches éparpillées autour d'eux. Un sourcil se tord au-dessus de son regard épervier.

- Ma dame, on n'enlace pas les opportunités. On les saisit, à bras le corps. Cela dit, je comprendrais que vous refusiez ma présence et préfériez faire cavalière seule dans l'existence qui s'offre à vous.

- Je ne vous forcerai pas la main, et mes maîtres auront devoir de le comprendre. Non. Carigän n'a plus formulé le souhait de sa présence auprès de vous. Dois-je comprendre que cela vous affecte ?


DIANE


Elle s'est promis de ne plus laisser la Soif la consumer comme elle a pu tout emporter sur son passage il y a quelques nuits. La violence du retour à la conscience à manquer de la plonger dans la catatonie. La réalisation de ses actes et pire encore, du plaisir intense et pure qu'elle y a pris... Trop. Trop pour l'ancienne esclave. Alors elle tient les règnes de ses besoins.

La mort? La vie? La Flamme ne mesure pas de sa friabilité. L'a comprise maintes et maintes fois durant les moments déroulés en Russie. Des éclipses aussi lors de son existence précédente. Elle secoue la tête, certaine pourtant qu'il a compris le sens de ses mots.

-Je parlais sur un plan bien plus concret. L'homme n'est jamais qu'en lisière de la nature.

Elle ne peut esquisser un geste. De peur de faire volte face et de s'éloigner. De disparaitre dans les volutes de neiges balayées par le vent infatigable. Machinalement, une main repousse une mèche cuivre scultée par la glace derrière son oreille.

- Bien sur que non... Vos raisons sont votre Loyauté indéfectible aux Funéras. A votre Prince et son cadet.

Ne pas faillir. Ne rien trahir.

Ignorant combien elle est transparente aux prunelles millénaires qui l'étudient sans porter de jugement. Comment fait il? Comment supporte t'il les Ombres du Spectre et les échappées du Loup? Comment ne peut il pas en avoir le cœur brisé? Elle n'ose s'engager sur ce terrain. Ce n'est pas un domaine qu'elle foulerait du pieds.

Refuser sa présence? Elle secoue la tête, les épaules roides de la tension qui ne cesse de naviguer en elle.

-Ce n'est pas votre présence que je refuse... Vous n'êtes pas ici de votre volonté première.

Non. Il répond à un ordre ou une demande. Il seconde. Il complète. Elle croise les bras sur sa poitrine. Il est prêt à lui laisser le champ libre? Comme ca? Il suffit qu'elle en émette le désir? Les mots sont coincés dans sa gorge. Avant que la fin de ses paroles ne la terrasse. Clarifiant un point qu'elle ne désirait pas voir clarifier. Parfois le doute est moins douloureux à la certitude. Ses ongles s'enfoncent dans sa chair pour s'empêcher de trembler trop visiblement.

-Taisez vous... s'il vous plait.

Un murmure douloureux. Depuis la Mort Ultime de Sigvald, les seuls moments où sa solitude intrasèque a disparu ont été aux cotés du Prince des brumes. Lorsque leurs caractères impétueux leur en laisse la possibilité. Si Diane ne nie pas sa part de responsabilité dans les éclats qui ne cessent de les agiter, la volonté d'Exil de Carigän est une blessure. Une brisure qu'elle s'est refusée de contempler. Ne pas sonder cette plaie. Avancer sous peine de s'effondrer. Ses menaces sur son Eternité etaient bien moins sanglantes. Non qu'elle en sous estime le serieux. Une larme sanglante qui s'échappe de son regard Ciel. Gelant immédiatement sur sa joue

-Ne dites plus rien.


DÖJÖÖDÖRJ

A ses paroles, il opine formellement du chef sans chercher le détail superflu. Ils sont tous deux bien au-delà de ça, alors face à face, plantés dans ce champ de bataille entre hiver blanc et nuit noire. Diane parle d'une loyauté aux Funéras, et Dojoodorj ne cille pas, n'esquisse pas un seul mouvement qui pourrait le dénoncer.

Si ses valeurs chevaleresques resplendissent dans ses atours, dans sa tenue guerrière, sa loyauté est bien d'être intacte. Il le sait, se le reproche souvent sans pour autant remâcher des âges révolus. Non. Il a épaulé son Prince dans l'assassinat de sa Reine. Et il n'opérera jamais les souhaits de Veragän si Carigän ne s'y joint pas.

Sa loyauté ne porte qu'un seul visage, et si ses préoccupations remontent en lui des amères sensations, elles n'ont pas lieu d'être aujourd'hui, face à Diane. Alors il n'en pipe mot, et rive toute attention sur ce qu'elle lui donne à contempler. Car la situation s'annonce de toute complexité.

Le Guerrier Mongol se fait silence monacal aux constats qu'elle dresse. Mais alors la glace de ses traits fond lorsqu'il comprend. Lorsqu'il comprend que sa franchise précise, chirurgicale, que son besoin de lever le voile sur chaque monts, sur sa façon détachée de dresser des vérités qui hurlent a porté atteinte. A blessé.

Elle ignore qu'elle lui renvoie une scène dramatique. Qui lui pourfende l'âme bien plus que ne laisse à supposer l'onde inamovible de son visage-armure. Elle lui rappelle sa propre incompréhension, sa propre stupeur devant les étrangetés de Carigän. Qui semble faire écran de son existence alors qu'une nuit, il a éprouvé quelque chose. Dojoodorj le croit.

D'une main, il caresse le chanfrein de son compagnon comme pour se défaire de ces choses qui fourmillent en lui, pour donner un point d'ancrage à son regard qui ne sait plus quoi guigner. Paisible, comme si ses épaules étaient libres de tout poids, il soupire sa quiétude dans le crin dru de l'animal.

Et parle. Au bout d'une minute de respect.

- Ma dame. Vous qui avez côtoyé le jeune Seigneur, vous devez comprendre que son aîné partage des ... *Il hésite sur les termes à employer. Manquements, vides, bizarreries, étrangetés... maladie, malédiction ?* Points communs.

- Si je puis me permettre d'exprimer les conclusions d'observations très personnelles, vous n'avez jamais été une étrangère. Pas longtemps, tout du moins. Vous ne l'étiez en tout cas plus lorsque je suis arrivé, dans le feu de la bataille. Vos larmes ? Elles n'ont pas voix aux chapitres. Vos larmes ne comprennent pas qu'elles demandent bien trop.

*Dojoodorj remplit ses poumons vides de chansons hyperboréennes, comme un guerrier boit un trait d'alcool pour se donner vigueur au combat. Il pose sa main large sur le pommeau de sa selle, et là, sa voix s'esquive derrière un monde d'indifférence froide.*

- Vos larmes, mon Prince ne les comprendrait Pas.

*Il lui tend un regard alors que le profil de son corps se dessine, s'apprêtant à remonter en selle.*

- Partez.
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 IV - Brisures en Terre Glacée, Diane & Carigän. (FINI) Empty Re: IV - Brisures en Terre Glacée, Diane & Carigän. (FINI)

Message par Diane Mansiac Jeu 21 Sep - 11:08

DIANE.


Si il dit un mot de plus, si il prononce le moindre son, Diane est certaine qu'elle va se fracasser. Qu'elle va se briser en des dizaines d'éclats qui ne retrouveront plus jamais leur cohérence, leur entièreté. Elle ne peut pas. Faire face à la tornade qui décime tout sur son passage est trop lui demander.

Elle a froid. Froid comme jamais la Toundra n'a pu planter ses griffes gelées en elle. Diane lutte pour revenir à la surface. Il n'a pas demandé son retour à ses côtés. Bien sur que non. Pourquoi le ferait il? Si il est parfois aussi inconstant qu'une plume dans une brise, il existe des instances où sa volonté ne saurait se mouvoir.

Elle s'en fout! Ca n'a pas d'importance! De toute manière, elle n'a pas choisi de vivre en Russie! C'était ca ou le désert de Gobi! Alors franchement, il peut aller au diable! Une autre larme roule sur ses pommettes, suivie par une pluie salée qu'elle ne parvient pas à contrôler. Il ne s'agit pas de sanglot mélodramatiques.

Non. Mais de ces pleurs uniques qui trahissent les désespoirs les plus intimes. Malgré cela, son regard reste riveté à celui du Mongol. Elle n'est pas secouée de soubresauts théatrals. Non. Si ses yeux ne cessaient de fuir, Diane paraitrait lointaine, désintéressée. Non concernée par la présence de Dojoodorj.

Il lui accorde le silence désiré avant que ses paroles ne parviennent jusqu'à elle. Son pied creuse la neige, créant des lignes abstraites. Il évoque le ruissellet sur son visage. La jeune vampire ne peut lui en tenir rigueur. Carigän ne comprendrait pas le sens de ses hésitations. le Mongol? Peut être... Oui, peut être.

Son comportement laisserait perplexe le Prince de la Nuit. Une énigme étrange qui ne le concernerait pas. Ses prunelles se détournent sur la steppe aride. Penchant la tête sur le coté. Un murmure qui en dit tellement long sur ses doutes.

-Je sais... Je sais les mouvances qui habitent Car- une infime hésitation- Carigän. Et j'ai peur.... Pas pour moi.... pour lui. Peur qu'une nuit il ne revienne pas. Peur qu'une nuit il s'égare et ne retrouve plus le chemin. Peur qu'il....

Est ce une trahison. Ils sont seuls, mais c'est l'oreille du Roi des Brumes. Tant pis. N'a t'il déjà pas tout compris, tout saisi des tourbillons qui martèlent la Néo-nate?

-Peur qu'il devienne comme... comme Veragän.

Un aveu qui filtre à peine de ses lèvres. Elle a clos ses paupières. S'enfermant en elle. Si elle s'imagine qu'elle ne parle qu'à elle même, est ce que ce sera plus facile d'admettre? D'accepter? Et un mot. Un seul. Partez. Partez. Diane a un gémissement étranglé. Il lui offre le choix qu'elle n'a jamais eu. Le choix de tourner le dos aux Illusionnistes et leurs psychoses si angoissantes. De reprendre sa route. D'évoluer à son rythme, sans etre tiraillée. D'apprivoiser la Nuit comme elle l'entend. Sans qu'elle ne soit soumise aux caprices du Prince. Sans lui. Sans lui. Sans lui. De s'éloigner libre mais avec une seconde fois, un morceau de son âme arrachée. Une partie d'elle sectionnée. Un abandon.

-Je ne peux pas... Dojoodorj... Je ne peux pas. Je ne peux pas partir. Et rester sans avoir la certitude qu'il le veut pour lui! Qu'il me veut moi... est une torture.

Il n'y a pas de choix. Il n'y en a jamais eu.

-Rentrons. Je ne supporte pas l'idée qu'il puisse se perdre dans ses brumes et que je ne sois pas à ses cotés. Qu'il me veuille ou non.

Un pas vers lui. Un second. Elle a rouvert les yeux, étudiant son visage.

-Vous étiez prêt à mentir à votre Seigneur, à me laisser disparaitre... pourquoi?
Diane est pleine de pourquoi. Du besoin d'une apparente logique.


DÖJÖÖDÖRJ


*Il l'observe sans un souffle alors que des perles d'iode rouge viennent pigmenter les joues blanches de Diane. L'Amazone le fixe tant et si bien qu'il croit y distinguer le jeu de ses rouages intérieurs, dans lesquels se seraient glissés une myriade de petites pierres. Des pierres silex à feu.

Il ne lui fera certes pas l'affront de s'apitoyer sur elle, car non seulement il sent qu'elle répondrait d'une colère torrentielle, d'une colère de lâcher-prise, mais il sait que ces larmes sont autant de sphères minuscules d'un univers de souffrance. Les femmes pleurent les morts avec un désespoir qui les fait trépigner. Elle, dans son immobilisme irréel, est bien plus inquiétante.

Ses sillons d'amarante lui évoquent davantage les peintures de guerre d'une amazone qui se fond dans la bataille, qui n'a plus rien à perdre et que, de fait, rien n'a le pouvoir de faire trembler. Elle lui fait offrande de quelques confidences. De sa peur, certes, mais pour lui ? Rien ne laissait présager de cet aveu, et le Mongol n'éclipse pas la surprise qui ride son front.

Ses premières impressions gonflent en lui, la Néonate n'est pas femme du commun et a de ces caractères qui valent d'être révérer ou brûler vif. Si de bonnes hospices la surveillent, quelques siècles feront d'elle une impériale reine de la nuit. Comme elle pourrait mourir de cette fougue étrange qui n'a jamais servi l'instinct de survie.

Le hasard se chargera de faire pencher la balance en faveur d'une grande destinée ou d'une mort subite. Il sent, ces choses là. Un instant et derechef, il baisse la tête, observant vaguement les dépots de neige sur les frange de sa deel. Peur que Carigän ne revienne pas ? Cette question froisse quelque chose en lui.

Peut-être le Mongol se rend t-il compte que tout le combat acharné de son existence est voué à l'échec. Tout est joué depuis le début, les dés sont pipés, l'issue n'est d'aucun mystère. Il répond d'une voix implacable.

- Mon Seigneur ne pourra pas fuir indéfiniment la nature du Sang qui coule dans ses veines.

- Bien sûr qu'il rejoindra le petit Seigneur dans son monde des brumes, cela n'est qu'une question de temps. Quelques jours ou quelques siècles, la folie a tout son temps pour s'installer dans les esprits du moment que la graine est semée, lâche t-il avec sa dureté d'acier.

La psychose des Funéras est un secret polichinelle, il ne trahit personne à le glisser dans l'oreille de l'Amazone. Et puis, il sent que le dialogue est vital, cette nuit. Que certains non-dits doivent êtes égorgés avant qu'on les enterre en cadavres mal morts. Un sourire arrive sur ses lèvres, comme voulant adoucir en retard le tranchant de ses mots.

- Toutefois, Amazone, cela fait des siècles que nous nous battons contre le temps, mon Seigneur et moi. Et nous sommes redoutables guerriers pour le tenir en échec.

Oui. Ces sept siècles sont le fruit d'un miracle, d'un miracle et d'une bataille ininterrompue. Non, Carigän résistera encore longtemps. Et Veragän n'a pas le droit de faire voler en éclat l'équilibre de cristal qu'ils ont instauré.

Dojoodorj se résigne presque à son retour bredouille quand elle décide brusquement du contraire. Là, non la surprise, c'est un éclat d'incompréhension qui luit dans ses billes millénaires. Quels sentiments peuvent bien conduire à une telle folie ?

- Madame, laissez-moi vous répéter les choses autrement, s'il vous plaît.

- C'est là l'unique occasion qu'il m'est donné de vous laisser le choix de votre lendemain. Si vous décidez de rentrer avec moi, cela est définitif. Un voyage sans retour, sans plus aucune possible. Ne rentrez pas pour assouvir la curiosité d'un doute que le temps pourrait apaiser.

Bien sûr, qu'il sait que le doute n'est pas seul motif de retour, et que des éléments terriblement complexes - dangereux ? - viennent se glisser entre eux. Mais le Mongol aime à énoncer les choses dans la clarté sans nuance qu'elles exigent. Il faut qu'elle croise le regard du monde qu'elle perd. Il faut qu'elle sache ce sur quoi elle tire un trait. Un monde plein d'inconnu qui restait à construire, un territoire vierge qui lui appartenait et qu'elle ne foulera jamais.

- Réfléchissez, ajoute t-il avec modération.

Sa main s'est décroché du pommeau de selle et la monture commence à piaffer de son immobilité au coeur de l'hiver cinglant.

- Je ne m'apprêtais pas à mentir à mon Seigneur, Dame. Jamais. Il vous a livré à la Toundra et vous y avez survécu, vous méritez de renaître de cette épreuve, c'est votre droit. Voilà quelles seront mes paroles pour mon Seigneur, à lui de les réfléchir, de les comprendre et de les accepter comme l'homme qu'il est.

Non, Dojoodorj n'était pas qu'un bras droit.


DIANE



Elle s'exprime. Enonçant ses craintes. Livre une partie de son tumulte. Si elle trouvait la force de sourire, elle en esquisserait l'ombre au fantôme de surprise qui se lit sur les traits du Noble. C'est la seule vision fugace d'une émotion qu'elle croise chez lui tant il reste un chef d'œuvre d'impassibilité et de retenu.

Il lui fait le cadeau d'une sincérité parfaite. D'interdire aux non dits de se développer. Il ne la traite plus comme une gamine attirée par un monde étrange. Diane prend conscience du respect profond que Dojoodorj lui inspire. Il ne tente pas des paroles d'un réconfort indifférent qu'elle ne supporterait pas une seconde.

Si elle ignore ce qu'il voit en elle, elle n'a aucun mal à deviner qu'il mérite cent fois la confiance de son Seigneur. Une ombre se dévoile sur le visage de nacre de la jeune vampire. Chacun de ses mots est un coup brulant. Une vérité qu'elle n'accepte pas. Qu'elle refuse en bloc. Un hochement de tête, un mouvement ralentis. Ils doivent se battre. C'est impératif.

-Je comprends... je ne renie pas vos dires, venus d'une connaissance que je suis loin de posséder. Mais si vous l'acceptez... et plus encore... Si Carigän Funéra l'accepte, je me battrais à vos cotés. Soyez mon guide sur cette voie périlleuse. Permettez moi de me joindre à cette guerre séculière.

Son timbre est rauque, profond. Il ne s'agit pas de l'insouciance d'une jeune femme mais de la volonté de la Vampire en devenir qui s'exprime. Elle n'agit pas sur un coup de tête. La Toundra s'est chargée d'aguérir les angles de sa personnalité. Oh, elle commettra des dizaines d'erreur, sa jeunesse la trahira encore et encore. C'est sans importance au vu de la destinée qu'elle vient de se choisir.

-Je suis orgueilleuse. Butée. Pleine de morgue et d'insolence. Cependant, j'ai aussi une volonté d'acier quand les choses.... quand... quand cela me tient à cœur... Et... Et... Carigän n'est pas une volute dans mon existence à venir. Je ne fléchis pas. Je ne recule pas. Je ne suis pas brisée.

Ses larmes se sont taries et sa stature est inamovible. Dans ses prunelles bleutés, des éclats d'argent s'y sont glissés. Phénomène qui ne se produit que lorsque la jeune femme qu'elle était disparait totalement. Quand seule la Princesse Nocturne s'exprime, loin de tous les ravages de sa Bête.

-Je remplacerais son Sang par le mien si il le faut!

Sa machoire est décidée. Son attitude ne souffre d'aucun fléchissement. Elle darde ses yeux sur lui. L'invitant à plonger dans les ténèbres qui se nichent parfois au sein de son âme. Dans les tourbillons sa folie personnelle. Assimile ses interrogations. Ses questionnements bien légitimes. Diane expire un soupire.

-Je rentre parce que ma place est à ses côtés. Qu'il le sache ou non. Qu'il le veuille ou non. Je rentre parce que Carigän Funéra est le Seigneur que je me suis choisis. Je rentre parce qu'il ne saurait en être autrement. Je rentre parce que le monde n'a aucun attrait si il n'est dans les parages. Je rentre parce que je le dois. Je rentre malgré sa violence, malgré sa dureté, malgré son clan, malgré Lui. Je rentre parce que je suis une femme et que je vibre à ses cotés.

-Je rentre parce que je l'aime.


DÖJÖÖDÖRJ


Folie. Décidément. Ses yeux en encoches s'écarquillent imperceptiblement alors qu'elle fait tapis rouge aux ardeurs qui l'animent. Une autre sorte de Folie. Moins morcellante, mais tout aussi dangereuse. Comment peut-on accepter de se mêler à une guerre dont les vieilles légendes dépeignent des fins plus atroces les unes que les autres ?

Comment peut-on accepter un chemin aussi funeste, un chemin condamné qui ne mène nulle part, un chemin qui s'enfonce toujours plus profondément dans une forêt noire de ronces et de bois mort, jusqu'à ce que plus aucun rai de lune ne perce, jusqu'à l'obscurité totale ? Dojoodorj l'ignore. Il a rejoint les Funéras au nom d'autres raisons. Il est étranger de la passion incendiaire qui soulève Diane, lui qui est trop sage.

Toutefois, alors qu'elle dresse la liste de ses défauts d'impétueuse, mettant du feu, de la braise, de la houle, du sel et de l'or dans chacun de ses mots, le Guerrier déglutit lentement le sourire qui lui grignote les lèvres.

- Butée, c'est le moins qu'on puisse dire, souffle t-il, voix tiède dans la bise mortifiante.

- Certitude est celle que votre fougue va se voir bien mise à mal. A croire que ces quelques mises en garde n'ont pas suffit à vous désarçonner de la monture intrépide de votre passion. Mon Prince vous a battu comme un mauvais homme lâche et bestial. Cela n'est-il pas le gage d'heures douloureuses à venir ? Douloureuses pour vous ?

Sa répartie lente, coulante, insondable, sereine, aquatique, se tarie lorsque la Flamme s'extirpe de son âtre. Lorsque les élans de ses feux quittent le foyer de son corps. Lorsque ses mots se font escarbilles rougeoyantes. Lorsqu'un vent de folie souffle les vieilles cendres de ses yeux au profit d'une créature qui ne s'encombre d'aucune mémoire-fardeau. Une créature d'instantanée.

Alors que les derniers mots de Diane se mêlent aux vents qui miaulent entre les sapins, Dojoodorj garde un silence religieux. Seul un ignard pourrait croire qu'il existe à ces propos une réponse sensée. Seul un ignare piperait mot et poursuivrait ces échanges alors qu'un couperet est tombé. Le Guerrier Mongol ne la lâche pas du regard.

Une main qui rassérène l'encolure amie et il s'en détache, avançant quelques pas vers elle avec le sentiment de fouler non de la neige, mais des pierres de lave. Il arrive à sa hauteur sans que ses épaules ne fléchissent pour autant, indétrônable monument de la toundra.

- Alors rentrons, dit-il de sa voix basse.

Un silence chante ses partitions du nord.

- Alors rentrons, répète t-il comme pour lui même. Mais votre existence est scellée. Votre existence appartient aux Illusions, à ses risques et périls. Vous venez de vous engager auprès d'un Seigneur qui confond la vie et la mort, l'indulgence et la colère, la douceur et la violence, la passion et ... la perdition. L'affection et ... l'aliénation.

- Vous venez d'offrir votre existence nue, toute entière, et pour cela je vous respecterai et vous guiderai là où le brouillard est trop dense, là où les ombres sont trop noires. Je serais à votre disposition, ma dame, quand cela vous semblera nécessaire.

Sa voix est tissée des fils d'une franchise pure comme l'eau des rivières de l'Arkhangai et d'une noblesse d'âme digne d'un aigle roi. Il lui tend sa main, paume tournée vers le ciel bleu d'ardoise, l'invitant à le suivre.

- Je suis Dojoodorj Tsagaan. Je sers les Funéras depuis plus de deux milles ans et j'ai fait le serment d'offrir la pérénité à leur lignée. Aussi scabreuse soit la mission. Si une nuit il vous prenait le vertige de nous trahir, je devrais vous tuer, ma Dame. Quand bien même mes seigneurs s'y opposeraient.

- Quand bien même mon Seigneur rentrerait dans une rage folle, rien n'altérera la netteté de mon geste. Ni la cruauté, ni l'envie de voir souffrir, ni la patience d'obtenir des aveux, ni le luxe de la vengeance. Mon geste aura la justesse d'un sabre qui s'abat en une seule seconde.


DIANE



Diane n'entend qu'à peine l'intervention de Dojoodorj, bien qu'elle se loge dans un coin de son esprit. Bien sur qu'elle se souvient de brutalité, de la sauvagerie de leur première rencontre. De la sentence cruelle de sa Frénésie. De la dureté sanglante que peut parfois prendre son regard. Elle est lucide. Parfaitement lucide sur les dangers de Carigän.

Elle ne se ment pas. Ils vivront d'autres instants tumultueux. D'autres tempêtes de sang et de rage. Cela ne saurait être évité. Elle ne ploiera son caractère pour complaire à Carigän, pas d'avantage qu'il n'amendera le sien. Elle en éprouverait du ressentiment à son égard si il s'engageait dans cette ruelle.

La douleur sera sa compagne bien des nuits. L'Amazone le pressent. Cependant, elle Sait que cette souffrance peut être basculée par des instants éternels. Par des éclats de pureté qui effacent tout. Puis viennent ses paroles. Viennent ses mots de ravages. Il ne s'agit pas d'un défi. Ni d'une provocation. Une paix intérieure envahit Diane. Mettant fin à un supplice qu'elle ignorait.

Elle l'aime. Et pour cela, elle supportera tout. N'imaginant pas que le Prince des Ombres lui rendra ses sentiments. C'est une vision qui ne lui viendra pas à l'esprit. Qu'importe. Ce qu'elle ressent n'engage qu'elle et lui faudra tenter de ne pas en faire peser le fardeau sur les épaules de Carigän. Garder les lèvres scellées tant qu'il ne sera pas en mesure de les supporter.

Le silence qui s'émeut après ses phrases. Le regard intense de Dojoodorj. Elle ne frémit. Diane ne ressent ni honte ni vulnérabilité. Pourtant.. Rentrons, dit il et une vague de chaleur apprivoise ses épaules cabrées. Un sourire plus doux, plus secret voit le jour sur les lèvres prunes de la jeune vampire.

Une fragrance de féminité secrète émane de la demoiselle. Le portrait qu'il dresse de son Seigneur est d'une véracité sans merci. Elle n'y trouve aucune raison d'affliction.

-Il n'en sera pas autrement... Je ne prétends pas connaitre, cerner les arpèges de son caractère, mais j'en accepte les flux et les reflux.

Elle l'écoute. Avec une attention réelle. Et la promesse d'assistance dont il vient de lui faire don est un présent précieux. Un joyau. Diane ne sait pas comment y répondre. Ne sait pas trouver les mots pour exprimer la reconnaissance qui navigue en elle. Si il s'était opposé à Elle, à sa présence, elle serait déjà brouillard. Alors elle articule un humble :

Merci. Je n'ai pas la sottise de penser que je pourrais me passer de votre présence et de votre sagesse.

Diane esquisse un pas vers lui, puis un autre. Posant sa petite main dans la paume ouverte. Ses pas dans les siens. La noblesse, la droiture, la pureté du Fils de Cain qui se tient devant elle est un sortilège délicat et puissant. Ses prunelles s'ecarquillent légèrement à son âge. Deux mille ans. Au moins... L'aube de la civilisation. Diane le pressentait Ancien, jamais elle n'aurait songé à cette profondeur. C'est une âbime qui les sépare. C'est une promesse qu'il dessinne pour elle. Une certitude. Une évidence. Elle ne ressent aucune agression. Il enonce une vérité impartiale.

Diane se tourne vers lui, croisant son regard avec le sien. Observant son visage silencieux. Le respect qui se dessinnait devient croissant. Réel. Sans artifice.

-Je suis Diane, Infante de Sigvald Ingulf. Si jamais je devais trahir Carigän Funéra ou son Frère, j'aurais déjà l'âme calcinée. Votre sentence serait une clémence. Je suis loyale. Vous n'avez aucune raison de me faire confiance... Cependant, je vous assure que je ne supporterais pas l'idée de miner l'influence des Funéra ou de porter atteinte à son Prince. Rentrons.


DÖJÖÖDÖRJ



Diane, Infante de Sigvald Ingulf. Le nom lui est inconnu mais a des consonances slaves, germaniques, européennes. Ces syllabes sinueuses se gravent dans le roc de sa mémoire millénaire. Un instant, ses paupières clignent lentement, marquant la transition d'un monde à un autre. Désormais, l'Immortelle qui lui fait face fait parti des siens.

Le guerrier ignore encore quel traitement lui sera réservé, quel accueil l'attend dans la demeure ouralienne. Il ignore davantage si sa présence est réellement désirée, faible néonate est-elle, mais la magie qu'il a vu à l'œuvre dans sa bouche et dans ses gestes, dans le réduit obscur du Gobi, lui épargne bien des questionnements inutiles.

Ils chevaucheront douze nuits. Douze nuits durant lesquelles la toundra caracolera auprès d'eux. Dans leur sillage, quelques nomades trouveront la mort. Mais ni les montagnes, ni les rivières, ni les aimags ne dénonceront les crimes qui appartiennent à la nature. Si le voyage fut terriblement court, c'est qu'une magie céleste coiffe d'ailes les sabots du petit cheval.

Petit et pas élégant comme un coursier, mais robuste, détenteur d'une grâce ancestrale et d'une résistance opiniâtre qui lui fait respirer les flocons avec amour. Lorsque le jour succéda à la nuit, Dojoodorj céda sa tente à Diane et s'assura de son confort pour, lui, partir s'enterrer plus loin.

Quand la toundra s'effaça, laissant le territoire à des vallées d'émeraude et à des vallonnements gracieux comme des courbes féminines, quand la glèbe infertile vit fleurir des chemins de terre battue et des pâtures grasses, alors l'hiver disparut. Sur les chemins, quelques silhouettes se mirent à les saluer. Capuchonnées, mais laissant filtrer des sourires étranges. Des Illusionnistes.

Une nuit, après avoir franchi barrières montagneuses, Dojoodorj sentit une liane aux allures de serpent venimeux tomber sur son épaule avec l'énergie d'une accolade amicale. Carigän était d'humeur luxuriante.
Diane Mansiac
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